Zône de contrôle, Hélène Dormond
Editions Plaisir de Lire, 2021
Voilà déjà cinq ans que Marianne est veuve et qu’elle fait de son mieux pour s’occuper de ses deux enfants en pleine adolescence. De plus, elle prend en charge son père retraité, un homme insatisfait pour qui elle n’est jamais à la hauteur. Fleuriste depuis un quart de siècle, elle doit renoncer à sa passion à cause d'une allergie de contact aux plantes. Et au vu de son bilan de personnalité, elle se retrouve auxiliaire de police à la commune de Lausanne.
Cette quadragénaire, organisée, méthodique et responsable, apprécie l’autorité et les règles claires. Pas étonnant qu’elle prenne immédiatement à cœur son nouvel emploi, faisant appliquer la loi avec rigueur. Tant et si bien qu’elle fonce, tête baissée pour mener l’enquête sur deux événements survenus au sein de son équipe.
Mais les apparences ne sont-elles pas quelquefois trompeuses ? Et Marianne n’est-elle pas parfois trop exigeante ? Alors, parviendra-t-elle à tout contrôler ?
Au fil des jours, certaines situations replongent notre héroïne dans le passé, au temps de son enfance et de sa jeunesse. Entre cette introspection et les incidents du quotidien, elle se rendra compte que l’existence n’est pas toujours une ligne droite.
Et si pour une fois, elle devenait plus souple pour ne pas passer à côté de la vie et de ses petits bonheurs ?
L’auteure de ce nouveau roman, Hélène Dormond, nous raconte une histoire contemporaine où les protagonistes ressemblent à tout un chacun : mère débordée, ados en crise, père râleur ou parents brouillés, supérieurs sans scrupules ou collègues qui se révèlent, ami fidèle ou amoureux de passage…
Son écriture est agréable et son récit teinté d’humour. Tout au long de la lecture, nous découvrons plus en profondeur le cœur et les sentiments d’une femme attachée aux conventions, au travers de ses souvenirs, parfois tendres et nostalgiques, parfois un peu amers. La trame s’apparente à la plupart de nos parcours, par le biais du travail, de la famille et des amis. En effet, la perpétuelle ronde des émotions propres à l’être humain, telles que tristesse, rancœur, jalousie, déception, culpabilité, mais aussi joie, fierté, espoir et amour, nous ramène sans cesse à nos vécus.
Un livre divertissant et tout à la fois questionnant, à emporter dans nos valises lors de nos prochaines vacances.
Recension Marylène Rittiner
Zone de contrôle – Extrait
Sans autres préliminaires, je me lance dans la confidence.
– Les enfants vont bien. Mais ce n’est pas facile tous les jours, tu sais… tout gérer seule, le travail, le ménage, leur éducation, il y a des jours où je suis dépassée. Surtout avec Daryl qui a tendance à me taper sur le système en ce moment. Le vrai ado : impertinent, moqueur, jem’en-foutiste. Il n’en fiche plus une à l’école. Cette fin de semestre a été un désastre, il va redoubler. Et il va falloir convaincre son directeur de le garder dans son établissement, on est convoqué… C’est évident qu’il a besoin d’un cadre clair, d’un modèle, de toi, tout bêtement. Moi aussi d’ailleurs. J’aimerais juste me sentir soutenue, pouvoir partager les soucis, connaître à nouveau la complicité qu’on a eue…
– D’autant que j’ai changé de métier. Fini les fleurs, reconversion réussie. Tu as devant toi une assistante en sécurité publique assermentée. Je porte l’uniforme ! Evidemment ça t’aurait plu…
A la base du monolithe de granit noir, dont la taille évoque une montagne miniature, figurent son nom et deux dates, sèches, qui marquent son passage parmi nous.
Enfin, lestée du poids de toutes ces fleurs qu’il m’aurait destinées, je me détourne et rejoins d’un pas affligé la lourde grille du cimetière.
Mais ce n’est pas parce qu’on essaie de maintenir un minimum de respect dans l’espace public qu’on nous remercie, bien au contraire. Le propriétaire du molosse m’a presque engueulée quand je lui ai fait une remarque. Pour finir j’ai fait le parking de la Place des Fêtes. Il est énorme ! Sept cent soixantetrois places. Et par un jour de beau temps, les gens s’attardent sur les terrasses. J’ai dressé quarante-huit contraventions.
– T’aurais pu faire mieux.
Sa phrase fétiche. Celle que Charles-Armand me ressert depuis que j’ai ramené ma première note, ou même avant, peut-être. La sentence me ratatine, me fait sentir indigne. J’aimerais pouvoir simplement l’ignorer, pourtant je ne peux m’empêcher de me justifier.
– On n’est pas dans le commerce, j’ai pas un chiffre d’affaire à atteindre ! Mon job, c’est de me mettre au service de l’ordre et de la population.
Sourcils froncés, il inspecte maintenant son assiette aussi soigneusement que le véhicule privé d’un candidat au permis. Il a toujours eu horreur de faire passer un examen de conduite dans une voiture dépourvue de la double commande.
– Les haricots sont filandreux, ils viennent d’où ?
Je soupire et me lève pour débarrasser mon assiette avant que la critique sur la cuisson des patates sautées ne tombe. La vaisselle faite, je suis heureuse de retourner travailler.
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