La Faute, Daniel Monnat

Editions Slatkine, Genève 2020

Nous sommes en 1939, à l’aube d’un conflit mondial sans précédent. Michel, « jeune Neuchâtelois sans argent et sans pedigree » est étudiant en médecine, à Genève. Il est attiré par Oriane, belle aristocrate dont le père est un riche banquier de la ville. Mais comment se faire remarquer quand on est sans le sou ? L’argent ne fait-il pas tout ? C’est ce dont Michel est convaincu. Alors pour s’enrichir, il profite de la confiance d’un jeune couple de juifs allemands, Daniel et Judith, venus se réfugier dans le pays avec leur petite Sarah. Il vole un de leurs tableaux, dernière monnaie d’échange pour leur survie. Mais rapidement, la trahison du jeune homme lui laisse un goût amer et dès lors, il n’aura de cesse de retrouver cette famille et tenter de la sauver de l’horreur qui l’attend. Pour ce faire, il s’engage sur le front allemand de l’Est en tant que médecin, et se retrouve au cœur d’une terrible guerre qui met à feu et à sang, l’Europe et le monde.

Michel parviendra-t-il à expier sa faute ? Retrouvera-t-il ceux qu’ils considèrent un peu tard comme ses vrais amis ? Echappera-t-il à cet enfer qu’il a résolument choisi de traverser et qui le conduira dans des territoires minés par la haine du Juif ?

L’auteur, Daniel Monnat, entraîne le lecteur dans un roman historique, en pleine deuxième guerre mondiale où préjugés, méfiance, haine, traîtrises et dénonciations précipitent les protagonistes dans un lot de drames sordides. Cependant, malgré les événements tragiques et les atrocités qui bouleversent la vie du héros, de magnifiques qualités surgissent du plus profond de son âme. Ainsi, les profonds remords de Michel, le pousseront à dépasser la peur et l’angoisse, à surmonter le désespoir, et à tendre vers un seul but, sortir à tout prix ses amis de l’enfer des nazis.

En prime, dans ce palpitant récit, Daniel Monnat permet au lecteur de découvrir certains faits et personnages du passé qui ont contribué, d’une façon ou d’une autre, à écrire la Suisse durant cette malheureuse et éprouvante période. Mais pas seulement. Dans un tourbillon d’émotions engendrées par la ténacité et le courage d’un homme prêt à donner sa vie pour réparer sa faute, l’écriture reste rythmée jusqu’au bout et l’intrigue, haletante jusqu’au dénouement. Recension: Marylène Rittiner

Extrait pages 128-129

– Je l’ai ! J’ai le papier. Ils m’ont sélectionné. Je pars le 15 octobre.

Michel jubile et son ami Joseph a de la peine à le calmer et à le faire parler moins fort dans ce petit café des Pâquis où ils se sont retrouvés. Musy a bel et bien obtenu une place pour Michel dans la première mission sanitaire suisse sur le front russe et le jeune homme a retrouvé son moral et son enthousiasme, sûr désormais de retrouver les Tauchner et de pouvoir les aider.

– Bon d’accord, tu pars, mais comment vastu faire pour les retrouver ? Tu as un plan ? Tu parles russe ? Là-bas, c’est la guerre. Si les Allemands découvrent tes intentions, au mieux ils te renverront, au pire ils te fusilleront. Quant aux Russes, ils penseront que tu es un nazi et ils te zigouilleront tout autant.

Mis devant ces évidences, Michel voit son bel enthousiasme retomber. C’est vrai, il a franchi un grand pas en s’infiltrant dans cette mission. Mais, comme son ami le lui fait remarquer, les obstacles sont encore innombrables, insurmontables peut-être. Depuis quelques mois, il passe sans arrêt par des phases d’espoir suivies immédiatement par des accès de désespoir. Ces changements incessants d’humeur l’épuisent. Mais il a une conviction : l’action peut seule le sortir de ce marasme. Il est prêt à tout plutôt que de continuer à végéter dans ce marécage de sentiments et d’émotions contradictoires. Il estime aussi qu’il n’a pas le choix. Ce sauvetage est devenu le but de sa vie qui, sans cela, n’a plus de sens. Il sent qu’il ne peut plus reculer, même si son entreprise peut paraître suicidaire. Il a coupé les ponts avec son ancienne vie, ses ambitions, sa carrière. Son destin est là-bas, à l’Est.

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