Journal de mes Amours, Pierrette Micheloud

Journal de mes Amours

Pierrette Micheloud, Edition établie, présentée et annotée par Catherine Dubuis, Slatkine, Genève, 2015

Épopées amoureuses de Pierrette Micheloud dans le journal de mes amours. À travers les tourments – et les plus rares extases – de 1955 à 1960, l'univers chevaleresque d'une femme à la recherche de l'idéal féminin, ne pouvant supporter l'idée qu'un homme puisse aimer une femme comme elle peut les aimer. Femme féroce – ou férocement femme -, l'auteur peut lancer des traits fatals contre l'aimée, qu'elle semble rêver plus qu'elle ne la vit.

Sa poésie est toute inspirée de nature, et en particulier de fleurs, et de mythologie. Une lucidité qui s'oppose à la part onirique de ses sentiments. Mise en lumière précise, documentée et sensible de la vie et de l'univers de l'auteure par Catherine Dubuis dont l'écriture est aussi belle. Un portrait vrai, sans concession, ni jugement. "Mais ici point de détails croustillants ou scabreux; tout est dans l'émotion de l'être tendu vers l'autre, vers celle en qui s'absorbe, à ce moment précis, l'entier de l'existence affective de la diariste."

Romaine Perraudin-Kalbermatter

Extraits

À propos de son recueil "Elle, vêtue de rien" : "Mon livre va être occulté dans sa vérité première… On ne veut absolument pas me reconnaître dans ma différence, la seule possibilité que j'ai de sortir du troupeau. J'en suis meurtrie, meurtrie… On a célébré Sappho, on a célébré Renée Vivien, pourquoi m'occulterait-on dans mon essentialité?".

Description chirurgicale et sensible de sa mère, de son père et de sa sœur.

"Si je n'étais née avec la notion exacte de mon rôle, dans le destin véritable d'Ève, et que j'eusse a me justifier devant moi-même et devant les autres d'être ce que je suis, c'est elle, ma mère, que je nommerais. Elle est mon premier, mon unique amour. Toutes les autres n'en ont été séparées que dans la mesure où leur ressemblance s'en éloignait. À travers toutes, ce fut la quête de son mystère à elle, la hantise de sa beauté. Mystère qui l'associe au souvenir de la création plus qu'à la créature. Beauté dont le secret est de vivre dans l'au-delà des choses plus que par leurs formes….Yeux grands ouverts au fond de ma vie, comme des fenêtres d'été clair." "Mon père aussi est là. Fils des hautes montagnes, il a gardé quelque chose de leurs torrents. Tantôt fougue, tantôt douceur, tantôt transparence, tantôt limon." "Edmée, blonde, vaporeuse, entourée d'une aura de lumière tamisée de songe. C'est que la lune est sa demeure préférée. Elle s'y évade à chaque instant, laissant parler tout seuls ceux qui ne savent pas retenir son attention. Ses yeux alors se posent sur des choses invisibles que personne ne soupçonne. Ils ont la couleur des sauges." "Qu'un être aussi exceptionnel ait lié sa vie à un homme me paraît de jour en jour plus incompréhensible. J'aurais aimé qu'une amazone aux yeux clairs l'emportât sur son cheval et l'initiât peu à peu à l'alchimie du désir."

À la recherche de l'essence des choses."Se dépouiller. Densité, vibration. C'est à cette magie du silence que la poésie doit atteindre." À la recherche d'absolu. "J'aime les eaux profondes. Il y a trop de fausse clarté en Geniova. Je dis fausse, parce qu'elle est faite de métaux ordinaires. C'est une clarté d'apparat qui coupe et qui tranche, mais qui n'éclaire pas."

Férocement. "Premier pique-nique, une forêt de mélèzes, un feu entre trois pierres. Kalhaï s'avère d'une impensable paresse. Si ce défaut m'est chez une femme séduction et charme de plus, je ne l'apprécie pas chez à un garçon manqué, ni (ce serait plus juste ici) chez une femme incomplète. Ses poses lascives m'exaspèrent, je leur tourne carrément le dos. Ah! Parlez-moi de ces créatures sans nuances qui tuent le mystère à chaque seconde de leur existence!". Sa quête, son épopée sur terre. "Kalhaï, muette supplique d'amour. Mon horreur des bouches gourmandes, des bouches à l'affût. Et puis j'aime la Femme, et non les femmes. Seule celle qui appartient encore à l'homme arrête mes pas. Une graine jetée dans son âme en passant. Une graine qui germera. Si ce n'est pas dans cette vie, ce sera quelque part ailleurs. Celle que je détourne de l'homme, ne serait-ce qu'un moment, se souviendra, demain ou dans milles années, de cet amour attendu de soleil et d'eau, visage attendri d'une Ève qui se retrouve peu à peu pour n'aimer bientôt que la lumière."

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