Guy Mettan, La Tyrannie du Bien, Dictionnaire de la pensée (in)correcte

Éditions des Syrtes, 2022

Dans La Tyrannie du Bien, Dictionnaire de la pensée (in)correcte, Guy Mettan propose un lexique en forme d’électrochoc. Avec un talent consommé, marqué par une ironique vivacité, il démonte le prêt-à-parler et le prêt-à-penser de notre société occidentale. À travers l’expression « Tyrannie du bien », si on le suit, ce qui est démasqué, c’est une colossale hypocrisie. Jamais sans doute les bons sentiments n’ont été si présents, mais Guy Mettan montre à travers la clarification des mots totems et des mots tabous des discours dominants que ce qu’ils cachent est bien peu reluisant. Sont abordés les grands principes, comme le Bien : « Le Bien, c’est nous, les Occidentaux, le Mal, ce sont eux, les Russes, les Chinois, les Iraniens, les Nord-Coréens, les Vénézuéliens […].  Ça fait beaucoup de monde mais ce n’est pas grave puisque nous avons raison et qu’ils ont tort » (p. 34), ou l’identité : « L’empire du Bien ne reconnaît que trois types d’identité, l’identité de genre, de sexe et de race. L’identité nationale, régionale, culturelle ? Quelle horreur ! » (p. 91). Mais on parle aussi d’économie, le Consensus de Washington étant ainsi défini: « Doctrine financière élaborée par le FMI, la Banque mondiale et le Trésor américain […] pour relancer la croissance économique des pays riches en faisant payer la facture aux pays du tiers-monde surendettés » (p. 51), et sur le salaire il est dit: « Nom donné à la rémunération des employés dans une entreprise capitaliste. Contrairement aux honoraires, aux traitements, aux dividendes et aux bonus, un salaire est toujours trop élevé » (p. 142). Est souvent épinglé le langage à la mode agressé par l’anglais, ainsi concernant la « food »: «  Fini, l’alimentation, la nourriture, la subsistance […] Vive la food! Quand vous voyez de la food dans la rue […], fuyez.  Votre estomac et la langue française vous en seront reconnaissants » (p. 81). N’est pas davantage épargnée l’innovation, ainsi concernant les énergies douces : « L’énergie douce (ou verte) sonne agréablement aux oreilles de la technocratie impériale. […] Le renouvelable va sauver la planète. […] Il est naturellement permis de croire au Père Noël. Mais un léger doute est permis aussi » (p. 70), et à propos de la technologie : « Les technologies, surtout quand elles sont innovantes, inspirent une dévotion immédiate et inconditionnelle. Toute nouvelle technologie est célébrée […], même si elle est dévastatrice pour l’homme et l’environnement » (p. 152).

Le livre de Guy Mettan devrait convenir à un grand nombre. Les militants anticapitalistes y boiront la plupart du temps le plus doux des petits laits. Les conservateurs prêts à prendre quelque distance avec le système économique en place se réjouiront souvent. Ceux qui persistent à cultiver un solide bon sens s’y reconnaîtront. Ceux qui se plaisent à penser librement sans croire à tout ce que l’establishment proclame seront ravis. Et ceux que le monde actuel enthousiasme (eh oui ! il y en a), même s’ils risquent au départ d’être un peu décoiffés, trouveront de quoi se libérer de quelques illusions.

Il faut donc lire, et pas uniquement par plaisir, l’incisif dictionnaire de Guy Mettan. Peu importe qu’à l’occasion, on puisse juger la charge un peu violente : la pensée pour être utile doit aussi déranger. C’est ici un livre engagé dans le meilleur sens du terme que l’auteur nous offre, un livre engagé comme il faut l’être à l’heure où le totalitarisme doux (ou comme on le dit aujourd’hui « soft », voir le dictionnaire pp. 147-148) menace toutes les pensées libres quelles que soient leurs couleurs.

Recension Jean-Marie Meilland

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