Trait pour Trait

Francis Parel, roman Editions Slatkine. Genève, 2017

Amel grandit au Caire, en Egypte, quant à Aziza, elle sera élevée à Damas, en Syrie. Deux femmes, deux destins que tout sépare. Tout ? Peut-être pas. Vingt ans plus tard, une même destination, Paris, et le hasard qui se mêle à leur histoire.  Qu’est-ce qui pousse chacune d’elle à rejoindre la capitale française ? Qui sont-elles ? Quels sont les éléments qui entrent en jeu dans leur rencontre ?

Francis Parel nous emmène dans une aventure bouleversante entre guerre, terrorisme et chasse à l’homme. Le fanatisme religieux ne pousse-t-il pas à la folie meurtrière ?  Peut-on le comprendre ? Peut-on l’arrêter ? Ou du moins le freiner ?

Voilà un roman puissant qui secoue, prend aux tripes, colle au cœur et laisse des traces pendant longtemps !!! Une histoire passionnante, d’un bout à l’autre, dans un style et une écriture de qualité. Tout y est mêlé : la souffrance, la peur, la froideur, la haine, l’intégrisme cruel, et au milieu de ce fatras émotionnel, l’amour. Celui qui pousse à vouloir envers et contre tout, aider, sauver, pardonner. Les deux héroïnes sont autant attachantes l’une que l’autre malgré leurs différences, leurs convictions opposées.

L’auteur  analyse avec franchise notre époque troublée et jette un regard juste sur une société parfois déboussolée. La vie des protagonistes enlisés dans leurs choix, bons ou mauvais, coincés dans leur quotidien tragique, donne à réfléchir. Le lecteur prend conscience de ce que subissent les gens dans nombre de pays islamiques, en continuels conflits ou dans les camps de réfugiés. Tout le roman ajoute une dimension humaine à ce que nous lisons chaque jour dans nos journaux européens. Il nous aide à imaginer le quotidien de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, à ressentir leurs angoisses, leurs soucis, leur désespoir, leur espoir aussi peut-être, en la promesse d’une récompense.

Francis Parel met également en valeur le travail de fourmis déployé par les polices internationales pour retrouver la piste de groupuscules dangereux, pour en traquer les acteurs et les débusquer avant leurs missions terroristes. Ainsi, combien d’attentats sont-ils déjoués grâce à ces héros de l’ombre ?

Intense !

Rédigé par Marylène Rittiner

Extrait pages 162-163

Annexe de la mosquée de Belleville, milieu de l’après- midi.

Kadour Azedine était mal à l’aise. Semblant hésiter entre le désir d’aider la jeune journaliste et lui confier un secret trop lourd à porter, mais dangereux à partager. Finalement il se décida, persuadé qu’Allah lui dictait le chemin à suivre. Il confia à Amel qu’une jeune femme était venue le voir à déjà deux reprises, pour lui demander de prier en son nom. Elle disait s’appeler Aziza et ne pouvait pas révéler le terrible poids qui pesait sur sa conscience, mais devait aller au bout de ce pourquoi elle était sur cette Terre. Une mission divine que sa Foi lui dictait. Sa Foi et quelques personnes pour le moins redoutables. Que l’on apprenne ses visites à la mosquée, et c’était sa vie qui ne vaudrait plus grand-chose.

L’imam n’était pas un enquêteur. C’était un religieux intègre. Mais cela ne l’empêchait nullement de réfléchir. Intuitivement et par déduction, il lui sembla probable que cette jeune femme n’était pas étrangère aux terribles événements de cette semaine [attentat terroriste]. Il lui parla d’une journaliste qui aimerait bien la rencontrer afin de mieux comprendre ce qui la troublait. Et peut-être aussi ses motivations, ses convictions profondes. Sa réponse ne fit qu’ajouter au trouble de l’imam :

–    Dites-lui qu’Aïcha ne peut pas la rencontrer. Mais peut-être qu’un de ces prochains jours, Aziza voudra bien lui parler. Elles sont si différentes et pourtant si proches. A bientôt, et de grâce, priez pour moi plus que vous ne l’avez jamais fait…

Kadour Azedine rapporta mot pour mot cette conversation à Amel. Avant d’observer un long moment de silence. Comme pour se préparer à dire encore quelque chose de si grave qu’il en repoussait le moment fatidique. La journaliste sentit son trouble. Elle devait l’aider à aller au bout de ce qui ressemblait de plus en plus à une confession.

–    Je vous en prie, s’il y a encore quelque chose, dites-le-moi. Cela peut vous soulager et peut-être aider cette personne. Je vous garantis la plus totale discrétion…
–    Je ne suis pas du tout certain que cela puisse m’aider mademoiselle, car c’est tout simplement incroyable. En fait, lorsque cette jeune femme est entrée dans la mosquée la première fois, eh bien j’ai cru que c’était vous. Je l’ai même appelée par votre nom tellement elle vous ressemble. Même taille, même visage et surtout même regard. J’en suis encore bouleversé…
–    Vous savez, nous avons toutes et tous un sosie quelque part. Même les acteurs de cinéma ont des doublures que l’on confond parfois avec l’original. Il n’y a là rien de si extraordinaire…

L'auteur

Francis Parel fut durant une trentaine d'années producteur et présentateur à la RTS. Photographe, journaliste et reporter (photos, radio), conférencier et écrivain (photographies et textes). Trait pour Trait, fait suite à  Ondes de choc, son premier roman policier, aux Editions Slatkine (2015).