Rien de ridicule aux cornes d’un taureau, Éric Golay

Rien de ridicule aux cornes d'un taureau

Eric Golay, Edition Slatkine 2017 , Genève

Manatach, chirurgien esthétique sans scrupule, Dolive, professeur mis à la retraite forcée, Doléans, médecin abandonné par l’amour de sa vie pour l’un de ses confrères, et enfin, la Dusinens, concierge et femme de ménage futée et particulièrement observatrice. Voilà pour les personnages principaux.

Le roman débute par un méli-mélo de petits événements où les protagonistes semblent ne pas se connaître. Il en est cependant tout le contraire. Et assez rapidement, les acteurs sont mêlés les uns aux autres par un fil conducteur, le cabinet d’une voyante. Manatach, en partance pour les États-Unis afin de recevoir un prix, semble plutôt avoir disparu. Chacun y va de son idée jusqu’au jour où l’inspecteur Fardier rend visite à la Dusinens pour lui annoncer que quelqu’un a fini sa course dans une benne de chantier en tombant d’une fenêtre. Connaissant l’attrait de la concierge pour démêler les histoires complexes, il cherche à en savoir davantage. Qui est donc ce malheureux ? Est-ce Manatach ? Que s’est-il passé ? Une intrigue se noue. D’autres intervenants apparaissent, compliquant le cœur de l’affaire. Au fur et à mesure du déroulement du récit, les personnages se croisent, se reconnaissent, s’épient, se soupçonnent, se rejettent les fautes.

Éric Golay, entraîne le lecteur dans une énigme policière bien ficelée, un jeu de rôles parfaitement réglé et un dénouement des plus inattendus. Le tout ressemble bien à une pièce de théâtre où les comédiens entrent en scène à tout moment pour brouiller les pistes.
L’auteur nous tient en appétit par son style particulier, pimenté de répliques sonnantes et parsemé d’humour. Et malgré le sérieux de l’enquête, on y décèle un brin de légèreté et de dérision. Rien de tel que l’originalité de ce roman pour passer un très agréable moment !

Recension: Marylène Rittiner

Extraits pages 18-19

Le professeur Dolive se verse un nouveau verre, à ras bord.
–    Je voudrais qu’il se commette un meurtre tout près d’ici. Madame Dusinens, avez-vous déjà tué quelqu’un ?
–    Ne comptez pas sur moi.
–    Avouez-le moi franchement, je ne dirai rien, je vous le promets. Jamais personne ? Pas âme qui vive ?
–    Quelques mouches. Des guêpes. Un nid de frelons.
–    Vous voyez, on avance !
–    Dans ma jeunesse, des poules, des lapins.
–    Et pendant la guerre, sous l’Occupation ? Parce que vous étiez en France, n’est-ce pas ?
–    Un cochon, une fois.
–    Voilà qui nous rapproche de l’homme. Vous le feriez encore aujourd’hui ?
–    C’est qu’en ville, les cochons ne courent pas les rues. Et puis, en Suisse, je crois qu’on n’a plus le droit de les tuer soi-même.
–    C’est dommage. Le Comité de Défense des Porcs a encore frappé… Le CDP, il faudrait l’inventer… On imagine tant de choses, aujourd’hui, en fait d’associations…
–    Vous pensez à vos collègues ?
–    Je n’ai jamais dit que je voulais les tuer.
–    J’avais mal compris. Mais laissez-moi travailler. Si vous me dérangez tout le temps, je ne terminerai jamais avant la nuit.
–    Je voudrais simplement qu’on découvre un assassinat… oui, un assassinat… dans le quartier…
–    Un assassinat pur malt… sans votre whisky, vous n’en auriez jamais l’idée… Professeur Dolive, ne le dites pas trop fort, on pourrait vous entendre. Pour en revenir à vos collègues, ce rejet, c’est peut-être une chance.
–    Une chance !
–    Vous allez pouvoir faire la preuve que vous êtes quelqu’un d’intéressant.
–    Je ne comprends pas.
–    Quelqu’un d’original, qui n’a pas besoin de toge ni de bonnet carré pour exister.
–    Vous en avez de bonnes, madame Dusinens ! Je ne sais pas pourquoi je vous écoute… Vous savez, je vais vous faire une confidence. Si vous aviez fait des études, vous seriez quelqu’un.
–    En passe d’être expulsée, comme vous, à soixante-cinq ans, par de jeunes requins aux dents longues…
–    Vous auriez eu le temps de vous faire connaître…
–    Et de me faire oublier… Monsieur Dolive, je préfère mon balai. Rien de plus fidèle. Il ne vous lâche jamais. Mais laissez-moi terminer mon ménage…
Quand la Dusinens, le ménage enfin terminé, quitte l’appartement du professeur Dolive, elle l’entend qui reprend sa chanson :

Une profonde obscurité
C’est le sort de l’humanité
Bonsoir la compagni-i-e !

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