Renaud, le Rimbaud des faubourgs, Alain Wodrascka
Renaud, le Rimbaud des Faubourgs
Alain Wodrascka,, biographie, Edition Favre SA. Lausanne, 2016
Tout le monde ou presque connaît Renaud, ses chansons, son franc-parler, sa vie bien souvent chaotique. Qu’on l’aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ou pas du tout, il ne laisse personne indifférent. Cependant pour la plupart, il reste un personnage attachant malgré ses déboires, son mal-être qui lui colle aux os, et ses nombreux « je tombe mais je me relève, la fleur aux dents. » Est-ce parce qu’il sait se mettre à notre place ? Parce qu’il compatit à nos manques ? Ou tout simplement parce qu’il nous ressemble ?
Quoi qu’il en soit, Alain Wodrascka, biographe émérite, sait nous donner envie, dès les premières pages de son récit, de découvrir un vrai cœur d’artichaut, un homme terriblement « humain ». En effet, l’auteur dévoile les qualités du chanteur sans pour autant cacher ses travers. Il parle de Renaud avec moult détails passionnants sur sa vie privée et publique, tout en finesse, respect et choix des mots. Ce n’est pas une simple biographie factuelle et sans saveur. Bien au contraire, Alain Wodrascka assaisonne ses phrases de délicieuses expressions et de vocables délicatement aromatisés pour le plaisir de nos papilles littéraires. Voilà donc une histoire de vie exaltante, doublement intéressante par ses deux personnages, le raconteur et le raconté. Qu’on se le dise…
Recension: Marylène Rittiner
Extrait P. 29
Renaud nourrira à jamais un sentiment de haine pour le dimanche, ce jour muet comme une parenthèse, inodore comme des fleurs fanées, statufié comme un crucifix, figé comme un arrêt sur image : «On est encore dimanche. C’est pas vrai ! Tu m’étonnes qu’on vieillisse trop vite, à la vitesse où les jours passent. Moi qui peux pas saquer les dimanches, je suis gâté, c’est environ mon 2150e que je vis d’affilée. Avec autant de semaines autour… Les semaines, encore, ça va, les mois, les années aussi, après tout on peut toujours se dire que plus on en vit plus on nique la mort, cette salope qu’attend pas toujours que ton film soit fini avant de foutre le feu à la péloche, mais les dimanches, je m’y ferai décidément jamais. C’est comme un p’tit coma hebdomadaire. D’abord, j’aime pas le bruit de la rue ce jour-là. L’est pas pareil que les autres jours. C’est un bruit trop silencieux. Un bruit qui sent pas la vie, juste la visite des beaux-parents, les courses au marché, les fleurs au cimetière, la grasse matinée. Matinée séchée, matinée foutue, oui ! »
Extrait pages 213-214
Avec ses quatorze chansons en bandoulière, dont la plupart ont été mises en musique par Michaël Ohayon, son guitariste et complice artistique, Renaud prend possession de son QG des studios UCP de Bruxelles où, d’une voix mieux maîtrisée qu’on pouvait s’y attendre et la foi en soi retrouvée, il enregistre un album du meilleur cru. Comme il étouffait jadis sous un excès de vulgarité, le monde étouffe aujourd’hui d’un manque d’insolence. Et Renaud illustre à quel point le talent peut résister à l’adversité du destin et amener le créateur à construire une forteresse sur un champ de ruines. Sa forteresse, il l’a échafaudée en mettant bout à bout des dizaines de chansons dont la puissance poétique et la force universelle font de lui un artiste indestructible et de son œuvre un chant d’éternité.
« Plus on se met à nu, plus les gens se reconnaissent », conclue-t-il.
L'auteur
Alain Wodrascka est un spécialiste des biographies des chanteurs et chanteuses français. Il est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages consacrés notamment à Barbara, Claude Nougaro, Francis Cabrel… Il a connu certains artistes personnellement et a entretenu avec eux de belles amitiés.
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