Nani, Mélanie Richoz

Edition Slatkine, 2023

Albina est une jeune femme vendue par son frère à 14 ans, à Burim, un homme violent. Elle se retrouve en Suisse, loin de l’amour des siens, partageant un minuscule logement avec ses beaux- parents et quelques membres de la famille de son mari. Maltraitée sans raison, sans cesse insultée, elle devient prisonnière de la cruauté et de la jalousie de Burim. Seuls ses cinq enfants comptent pour Albina. Elle se cramponne alors à la vie et, en mère douce et enveloppante, se tait, cache sa peur, et fait mine que tout va bien, afin de les protéger. Cependant, Albina refuse d’être cette femme trahie et battue. Un jour à la laverie, elle ramasse une petite annonce tombée sur le sol. Aussitôt germe dans son esprit un plan pour échapper aux griffes de son bourreau et sauver sa progéniture. Louisa, une petite dame âgée l’y aidera. Mais avec la rage meurtrière de Burim, le chemin risque d’être long et dangereux. Qu’adviendra-t-il d’Albina et de ses enfants ?

Avec son nouveau livre, « Nani », Mélanie Richoz propulse sans ménagement le lecteur dans l’histoire tragique d’Albina, dans un monde de folie rythmé par la violence conjugale. Elle raconte un récit terrible, tant par les termes utilisés que par les actes commis à l’encontre d’Albina, héroïne attachante de ce roman, faible et forte tout à la fois. Elle ne mâche pas ses mots pour dire l’innommable avec une justesse sans équivoque et pour rapporter les sentiments destructeurs qui assaillent la jeune femme. L’auteure décrit également avec pertinence les angoisses et les souffrances étouffées des enfants vivant au quotidien la brutalité de leur père. Un sujet grave et poignant, une réalité qui fait froid dans le dos. Mais aussi un cri d’espoir pour toutes les victimes de maltraitances, trop souvent muselées par la peur et la honte. Aujourd’hui, des services d’assistance existent pour soutenir et aider les personnes touchées, à s’extraire de cet énorme et dramatique problème. « La violence n’est dès lors pas une fatalité, on
peut s’en sortir. Parlons-en ! »

Recension Marylène Rittiner

Albina réalise in extremis qu’elle veut vivre, extrait page 137

Une nuit pourtant, réveillée par Burim qui tente de l’étrangler, elle réalisera in extremis qu’elle veut vivre. Elle jaillira de son sommeil en l’éjectant hors du lit, le rouant de coups avec une fureur folle. Burim saisira la chaînette d’Albina, l’arrachera d’un coup sec ; la tête de son épouse flanchera. Il lui saisira les poignets, la renversera au sol, l’y plaquera et lui rendra ses coups au centuple. Dans son rire gras, elle entendra son envie de tuer. Les poings serrés et les ongles plantés dans la paume, elle se débattra, criera, hurlera, le fusillera du regard. Pas un seul instant, elle ne détachera ses yeux des siens ; même lorsque, sous les coups et les gifles, sa tête giclera de droite à gauche, même avec le goût du métal dans la bouche.

« Një burrë që godet një, grua, nuk është burrë ! » (Un homme qui frappe une femme n’est pas un homme !), lui crachera-t-elle à la figure.

Par miracle, l’alcool aidant, Burim perdra soudain ses moyens ; Albina parviendra à s’extirper de ce corps lourd et moite, de ce corps qui pue, qui schlingue, qui suinte, qui la dégoûte. D’un bond, la lèvre ouverte, le col de son chemisier en sang et le poignet cassé, elle se redressera et s’interposera entre lui et les petits.

Debout.

Droite.

Vacillante mais vaillante, elle les protégera.

Elle sera leur bouclier.

Quand nous défendons ceux que nous aimons, la peur et le danger se rétractent.

Nous devenons forts, tout puissants.

Elle est invincible.

Et, si la puanteur du crime perdure, Burim devra commencer par elle. La trucider, la dépecer.

L' achever. Ici, devant les enfants.

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