L’homme Tournesol, Olivier Papaux
Ed. Encre Fraîche
Écrivain en mal d’inspiration, Jul Jarson s’est tourné peu à peu vers l’alcool, mettant en péril son histoire d’amour avec Kirsteen. Sur l’insistance de cette dernière, il rejoint une clinique sur l’île de Mull, en Écosse, pour soigner son addiction. Il y croise la route de Martin Frazer, directeur de l’établissement, un homme discret et solitaire. À des kilomètres de là, un cadavre ressurgit soudain de la glace du Rappegletscher, dans le Haut-Valais. Il n’en faut pas moins à Martin pour proposer à Jul de se rendre dans cette région isolée de son enfance, afin d’y tirer au clair, une affaire qui lui tient à cœur. Voilà une façon pour Jul de reprendre goût à l’existence et peut-être même de tenir enfin la trame d’un nouveau succès littéraire.
Dans son deuxième roman, L’homme tournesol, Olivier Papaux nous emmène dans une histoire qui se déroule à la manière d’une enquête, et qui commence en Écosse et se termine en Valais. Une histoire où un drame effroyable éclabousse toute la population d’un village retiré de montagne.
Jul et Martin, les héros attachants de cette fiction, ont un point commun, un passé douloureux qui les poursuit depuis longtemps déjà. C’est ainsi qu’au fil des pages, se tisse doucement une amitié entre les deux hommes, chacun aidant l’autre à sa manière. Au cours du récit, différents personnages se glissent au milieu de l’intrigue, réveillant les fantômes d’un passé que plus d’un a sciemment enterré.
Malgré la dureté de certains passages, l’auteur se sert de mots éloquents sans tomber dans un étalage inutile des scènes difficiles. Il sait également user d’une belle écriture pour livrer les sentiments des protagonistes, et d’un style tout à fait élégant, frisant la poésie, qui sied parfaitement aux descriptions de paysages sublimes.
Un rythme et un suspense soutenus gardent le lecteur en haleine jusqu’au dénouement inattendu où la vérité, brutale et crue, éclate enfin.
Quant aux acteurs de ce roman, qu’ils soient bienveillants ou méprisables, tous ont un rôle essentiel dans la réussite de ce livre captivant.
Recension Marylène Rittiner
Extraits
Levant les yeux, je repère la lisière d’une forêt. Impression d’un tableau déjà vu. Les silhouettes des mélèzes me renvoient des images que j’ai connues de la bouche de Martin. J’emprunte un sentier. Crapahutant entre les arbres, je prends de la hauteur. Talboden n’est bientôt plus qu’une agglomération miniature.
Soudain, je m’arrête net. Sur un ancien pierrier, les blocs de pierre dure sont couverts d’une mousse épaisse dont la chair d’un vert vif s’enfonce sous la pression de la main. Une fraîcheur humide suinte du matelas moelleux nourri d’un terreau sur lequel la vie éclot et suscite en moi un émerveillement. Mais le tableau atteint tout à fait le sublime quand se dresse une gigantesque cascade de rhododendrons où ruissellent par milliers des pétales oscillant entre le rose pastel, le fuchsia et le rouge satiné. Les couleurs éclaboussent la brillance discrète de leur feuillage vert foncé.
Pour rien au monde je ne manquerais de goûter à ce délicieux plaisir. Je reconnais à présent les contrastes de lumière qu’on n’accorde habituellement qu’aux peintres flamands. Bien plus qu’un spectacle pour les yeux, mon être tout entier renaît à la vie, se réveillant d’un lourd sommeil. Je savoure les causeries de deux rouges-gorges qui se disputent une branche inondée de soleil. Des odeurs de résine se mêlent aux effluves des fleurs toutes gorgées de parfums envoûtants. Et dans une nature où ma présence au monde pourrait rompre l’équilibre de cette vie si pleine, je m’autorise l’écart délicieux de joindre à cette féerie, sous chacun de mes pas, le craquement délicat des épines de mélèzes desséchées.
[…]
Page 110
Une faction d’aroles plus solitaires préfère se tenir à l’écart des autres membres de la forêt. […] De là, il me reste peut-être trois cents mètres à parcourir avant de regagner l’esplanade, devant la bergerie.
Martin ne m’a pas menti. C’est un vrai coin de paradis.
Page 112
Si le paradis a quelque chose à voir avec la paix, je dois en être bien proche car cette contrée semble avoir été épargnée de la folie des hommes. J’écoute les chuchotements de l’eau et, dans un profond soupir, je savoure la joie d’une sérénité retrouvée, que j’avais perdue dans un coin de moi-même. Je ferme les yeux et j’éprouve le plaisir de sentir déborder la vie.
Les promeneurs se sont rapprochés. Ils portent un uniforme. Que viennent fouiller deux gendarmes dans ce paradis retiré ?
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