Lettre à mon dictateur, Eugène
Editions Slatkine, Genève 2022
Autobiographie
Nicolae Ceaucescu, tyran durant 22 ans de la Roumanie, un dictateur sanguinaire, l’écrivain Eugène le connaît bien, il vient de lui écrire, même s’il ne l’aime pas, pire il le déteste, comme sa mère d’ailleurs qui disait avoir une dette envers lui.
L’écrivain avait 6 ans lorsqu’il a quitté son pays natal: ce fut l’année de l’abandon de son enfance roumaine, le début de la route de l’exil, avec ses chamboulements, ses arrachements, ses séismes affectifs, ses déchirements intérieurs, ses subits regards vers un présent qui fuyait pour devenir un passé à jamais inscrit au plus profond de la mémoire.
L’écrivain nous raconte dans son dernier ouvrage les détours qui l’ont conduit sur les chemins de l’exil vers la Suisse où il est devenu écrivain, et maintenant professeur à l’Institut littéraire de Bienne.
Un livre touchant, pénétrant, non dénué d’humour, pour dire un parcours de vie, l’histoire d’un destin chahuté par la rencontre d’événements traumatiques mais qui ont eu aussi un côté libérateur malgré leur dureté et leur aspect définitif.
Un parcours de migrant et d’écrivain
Histoire et approche existentielle
Si en Roumanie Ceaucescu était omniprésent, sur les murs de Bucarest, à la télévision, dans les manifestations politiques, son image et ses pouvoirs ont poursuivi Eugène et sa famille jusqu’en Suisse, durant des années, inscrite peut- être dans l’inconscient, le subconscient, le conscient, comme un fantôme et parfois comme un réflexe dans la vie au quotidien.
Le livre d’Eugène nous emmène dans l’Histoire du dictateur, mais aussi du communisme, des pays de l’Est, de l’URSS. On y découvre son arrivée en Suisse avec ses péripéties administratives et celles de sa famille et de leur histoire tout au long des années qui vont suivre, avec le passage dans des états émotionnels multiples et variés, touchant le plus profond de l’être. On y accompagne aussi le retour de l’écrivain en Roumanie invité par l’ambassade, Pro Helvetia, pour y faire des rencontres culturelles, des lectures. Un bouillonnement affectif, des surprises, des partages, de quoi découvrir un pays changé, avec de nouveaux codes mêlés à des souvenirs et d’anciennes pratiques.
Rythmé et touchant
L’écriture est fluide, bien rythmée, rapportant des faits concrets, de la vie réelle, ancrée dans des décors et des conditions historiques très intéressantes à découvrir et à connaître.
Un parcours de vie, un itinéraire qui nous montrent la naissance d’un écrivain baigné des tumultes de notre monde évoluant à grande vitesse. Ceaucescu, malgré les ans fait encore toujours partie de la vie de Eugène, difficile de s’en débarrasser.
L’atmosphère psychologique y est parfois pesante, mais le récit est aussi traversé de traits d’humour et d’ironie qui lui insufflent une ambiance plus légère bienvenue.
Pour ceux que la grande Histoire et des parcours existentiels individuels scrutés de près intéressent, il faut lire ce livre absolument.
Recension par Jean-Marc Theytaz – Journaliste-poète
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