Les Tourterelles de Tyr, Danielle Berrut
Roman historique, Editions Pierre-Philippe, 2021
Jézabel réside à Tyr au palais de son père, le roi Ithobaal. Tyr est une cité païenne s’adonnant au culte de Baal. La princesse rêve de fonder une famille et d’avoir des enfants. Mais le monarque la marie par calcul politique contre son gré. De ce fait, elle se retrouve prisonnière dans la résidence du roi Achab, le souverain de Samarie.
La Samarie est un pays rural où la religion honore un dieu unique. Le choc de culture heurte la jeune femme de plein fouet. Isolée dans ses appartements avec pour toute compagnie sa suivante et ses tourterelles symboles des temps heureux, Jézabel déchante et s’ennuie. Le roi s’en afflige et prend conseil auprès de Nâtan, son émissaire.
Extrait p 34
« - Monseigneur le Roi, je vous mentirais si je trouvais des ressemblances entre le pays dont vous me parlez et le nôtre. Là-bas, des vagues assiègent les rochers sans répit, ici des rouleaux de poussière tourbillonnent dans les airs. Là-bas les pierres sont empilées pour construire palais et remparts, ici elles délimitent les pâtures. Là-bas, la rumeur des fêtes trouble les nuits, ici le silence des nuits veille sur les toits. Là-bas, hommes et femmes vivent dans la promiscuité, ici les bergers partent seuls dans les collines avec leur troupeau. Là-bas, prêtres et prêtresses adorent des idoles, ici les prophètes exhortent le peuple à rester fidèle à Yahvé. En dire plus ne parviendrait qu’à semer le doute dans votre esprit. Jamais personne ne pourra concilier l’eau et le feu… »
Jézabel regrette son pays et les rituels païens qui, croit-elle, contribuent à protéger les citoyens de la cité et à combler ses désirs. À la faveur d’une sécheresse, dont rien ne paraît venir à bout, elle suggère au roi de réhabiliter le culte de Baal en Samarie. Inquiet pour son peuple, celui-ci consent à faire construire un temple pour les idoles. Cette décision déchaîne l’ire des prophètes et ses détracteurs qui lui en veulent d’avoir épousé une femme étrangère et païenne de surcroît.
Des luttes intestines sèment le trouble désormais. Tantôt, le Dieu d’Israël sort vainqueur, tantôt le culte de Baal reprend ses droits. Jézabel agit secrètement. Elle ne peut renoncer à sa culture, mais doit veiller à sa sécurité et celle de ses enfants : Ozochias, Joram et Athalie. En Samarie : la fidélité du peuple à Yahvé et la crainte de ses prêtres sont toujours vivaces.
L’histoire continue avec le décès d’Achab à la guerre et l’intronisation de son aîné. Puis, de Joram, le deuxième fils. L’inquiétude de Jézabel est vive. Ozochias est mort sous la malédiction du prophète Michée, Joram est en butte à la rébellion du roi de Moab.
La question de savoir qui, de Yahvé ou de Baal, sera le plus puissant imprègne la narration. Les forces en présence s’affrontent pour défendre la suprématie de leur Dieu en paroles blessantes et actions cruelles se poursuivant sous l'égide de la lignée royale.
Danièle Berrut exhume une partie de l’Histoire qu’elle fait revivre dans un récit aux accents contemporains. Les différences culturelles mises au jour, et apparemment inconciliables, engendrent des conflits ouverts ou larvés qui ont causé d’immenses ravages. Ici, les tourterelles se révèlent souvent comme des augures que Jézabel interprète selon les circonstances.
Recension Anne-Catherine Biner
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