Les ordres de grandeur, Julien Sansonnens

Les ordres de grandeur

Julien Sansonnens, Edition de l'Aire

Alexis Roch, journaliste apprécié et respecté, présente le 20 Heures chez SwisscastTV. Il travaille son image et prend soin de son apparence pour séduire le public. Cependant, même s’il se présente au monde comme un homme net et sans reproche, il aime tout particulièrement appâter et posséder les femmes. Tout lui sourit jusqu’au jour où, se lançant dans la course au Conseil d’Etat de Genève, il se retrouve au cœur d’une dénonciation à caractère pédophile. Roch est-il coupable ou quelqu’un veut-il sa peau ? Pendant qu’il s’applique à faire éclater la vérité, une autre affaire ressurgit de son passé. Mais qui donc se cache derrière cette apparente droiture, derrière cet homme au visage lisse et au sourire charmeur ?

Avec son nouveau roman, « Les ordres de grandeur », Julien Sansonnens nous entraîne dans un polar helvétique passionnant où se mêlent le jeu de la politique et celui des médias. Un cocktail à base d’ingrédients indécents tels que mensonges, trahisons, manipulations et autres immoralités, nous tient en haleine jusqu’au dénouement de l’intrigue. Qui sont les coupables? Qui sont les victimes ? Le scénario est si bien ficelé que le lecteur s’y perd plus d’une fois.

Tout au long du récit, l’auteur nous balade sans transition entre les événements du passé et ceux du présent. Est-ce pour mieux brouiller les pistes ? Son écriture est sans retenue, parfois même licencieuse, certains épisodes décrits avec brutalité, d’autres avec cynisme. Toutefois, il sait détailler avec profondeur les sentiments de chacun de ses personnages, quels que soient leurs actions et les événements qu’ils vivent.

Egalement, Julien Sansonnens retrace plusieurs moments forts qui ont fait l’actualité, dépeint avec précision certains endroits existants de la région où se passe l’intrigue, introduit quelques personnalités médiatiques. Ces détails intéressants donnent au lecteur l’impression de faire partie de l’histoire. Voilà un atout original de son roman.

Recension: Marylène Rittiner

Chapitre 10 – p. 161-163

Devant eux, une douzaine de maki étaient disposés sur la table, ainsi que deux petites soucoupes contenant du wakamé.
– Tu me parlais de Froidevaux ?

Camino s’essuya les doigts à sa serviette, qu’il reposa devant lui.
– Oui. Le seul problème, c’est Foie-de-veau. Les trois sortants de gauche se représentent, ils devraient passer sans problème, la Verte est peu visible dans les médias mais elle est secrétaire cantonale de l’ASLOCA et siège du comité du WWF, autant dire qu’elle ne craint pas grand-chose. A droite, c’est plus ouvert. Genton est inattaquable, Cavin devrait être élu, le Temps roule pour lui et lui cire les pompes depuis qu’il s’est déclaré candidat, bon tu me diras avec toutes les demi-pages qu’il leur a achetées, ils peuvent bien lui donner un petit coup de pouce. Le septième siège, ça va se jouer entre Foie-de-Veau et toi.
– Sérieusement, tu vois un UDC entrer au gouvernement ? A Genève ? On n’est pas en Valais ou à Neuchâtel ici, je veux dire, c’est une grande ville, il y a les institutions internationales, les gens sont…
– Les gens sont aussi cons ici qu’à la Chaux-de-Fonds ou à Sion, figure-toi. Froidevaux axe toute sa campagne sur les frontaliers, et il a bien raison ! Si j’étais son conseiller, je lui dirais exactement de faire ça, et de parler un peu des prédicateurs radicaux dans les quartiers populeux, au Lignon ou au Petit-Lancy, sans en faire trop, hein, mais quand même, c’est ça qui fout les boules aux gens aujourd’hui, faudrait être con pour ne pas en profiter, non ? On est sûr qu’il se passe rien dans les caves de ces barres d’immeubles, là ? Je serais lui, j’irais voir, remuer un peu la merde là-autour, prendre les habitants à témoin…
– Et à moi tu proposes quoi ? A ton avis, je suis pas assez démago, c’est ça ? Pas assez alarmiste ?
– Non non, tu es très bien. Et puis ce n’est pas ce que ton électorat attend de toi. Ton électorat, c’est la classe moyenne, des gens plutôt instruits, avec eux la peur ça marche moins que chez les prolos. Se lancer dans une surenchère populiste avec Froidevaux, ça t’apporterait rien. Et puis tu perdrais les soutiens des quelques patrons qui votent PDC, ceux qui bossent de près ou de loin avec des étrangers qu’ils peuvent payer moins : ça fait pas mal de monde, par ici. Non, il faut répondre autrement. Plus intelligemment.
– Expliquer que sans les frontaliers, l’économie d’ici s’arrêterait ? Qu’on pourrait fermer l’hôpital, faute de main-d’œuvre genevoise ?
– Ouais. Tu pourrais dire ça oui, faudra le dire, d’ailleurs. Mais c’est pas exactement à ça que je pensais. On peut être plus malins.
En arrière-fond, la McIntosh MX60 diffusait un ancien album de Dire Straits. Les riffs aériens de Mark Knopfler remplissait la pièce ; Roch se leva et baissa le son.
– Alors, tu proposes quoi ?
– Faut l’emmerder, Foie-de-Veau.
– L’emmerder ?
– Ouais. Faut trouver son point faible. Et comme chez tous les mecs, en particulier en politique, son point faible, c’est…

L'auteur

Julien Sansonnens est né le 30 novembre 1979 à Neuchâtel. Après l’obtention d’une maturité littéraire, il se forme dans l’informatique et travaille deux ans dans ce domaine. A vingt-cinq ans, il reprend des études à l’Université de Lausanne et obtient un Master en sciences sociales. Après avoir vécu longtemps à Lausanne, il emménage en 2014 dans le canton du Valais. Amoureux des paysages et des gens de ce coin Vieux-Pays, il aime parcourir ses routes au guidon de sa moto.

Les Ordres de Grandeur sur le site de l'auteur

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