Le syndrome, Annette Duchêne
Slatkine, 2020, 280 pages – roman
L’amour, décliné sous toutes ses formes, a plus souvent été perçu comme une maladie ou un malheur que comme épanouissement. On a dit à juste titre que Tristan aimait autant l’amour qu’il aimait Yseut, et Denis de Rougemont a bien décrit cette forme de passion amoureuse liée à la mort. Le premier roman d’Annette Duchêne a choisi un sujet intéressant, une pathologie particulière de l’amour décrite par les psychiatres comme le syndrome de Clérambault : il s’agit d’un attachement incontrôlé pour une personne, et de la conviction d’être aimé par cette personne envers et contre toute évidence. Le lecteur découvre en alternance les voix des deux protagonistes : Inès de Lavigny, qui se croit pétrie de qualités, travaille comme juriste pour Maurice Barret, homme de belle allure, directeur à la Federalia, compagnie d’assurance. L’auteure connaît bien les milieux artistiques, peinture italienne, opéra ; ses personnages fréquentent le beau monde sans prendre beaucoup de distance : attique « idéal », dans un quartier huppé de Zurich, séjours en Toscane dans une villa « idyllique », immeuble « superbe » de l’agence à Copenhague…
Le harcèlement use de tous les mécanismes de la manipulation : intrusions, lettres, téléphones. Chaque action de l’amante compulsive se retrouve en écho chez la pauvre victime – qu’on a peine à prendre en pitié, tant sa vulnérabilité et sa naïveté sont criantes. Le dispositif narratif avec le choix de la polyphonie est judicieux. On aurait néanmoins espéré un style moins lisse et des voix plus individualisées.
Recension par Pierre-François Mettan
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