Le parfum du Soupçon, Sabine Dormond

Le Parfum du Soupçon

Sabine Dormond, recueil de nouvelles, Edition Mon Village 2016

Un homme vole la notoriété de son ami, une adolescente dupe son amoureux, une trentenaire est déçue par ses camarades, un écrivain, abandonné par son palmier fétiche, une femme est condamnée pour sa curiosité, une autre, piégée par ses sentiments, une autre encore se perd dans les méandres de ses suspicions. Et puis, il y a aussi ce militant contre les immigrés, happé par la détresse d’un clodo, cette auteure littéraire obsédée par le héros de son roman, cette aliénée traquée par son anxiété.

Autant d’histoires, dans ce nouveau recueil de Sabine Dormond, « Le Parfum du Soupçon », autant de personnages blessés, trahis, désabusés, traités égoïstement. Une panoplie de nouvelles tirées du quotidien où l’auteure nous balade au-milieu d’un méli-mélo de vilenies humaines. Comme à son habitude, elle parsème son texte de mots ciblés, de comparaisons inédites, de succulentes petites phrases et termine le tout par une chute à tous les coups inattendue. Des trahisons en veux-tu en voilà, oui, mais toujours avec une touche de délicatesse, de légèreté et d’élégance pour le plus grand plaisir du lecteur.

Recension: Marylène Rittiner

Extrait pages 63 – 64 (Confitures maison)

Le jardin, c’est son coin. C’est là qu’elle touche à l’essence même de son être, qu’elle renoue avec les racines les plus profondément enfouies de son arbre généalogique, ce ressort dans ses gènes qui la pousse toujours et encore vers la nature. Fille, petite-fille, arrière-petite-fille de citadins, elle a toujours suffoqué en ville, asphyxiée par le béton, accablée par la circulation, étourdie par le bruit. Les oiseaux, les végétaux, c’est ce qui la tire vers le haut maintenant qu’elle a enfin fait le saut, les oiseaux, les végétaux et ce besoin de gratter la terre, de voir pousser sa nourriture, d’arroser, de désherber, de tailler dans le respect de chaque feuille, de s’épanouir au même soleil, au même vent que les aliments appelés à faire corps avec elle. Car Alexia ne saurait fusionner avec une denrée de supermarché ou un fruit hors saison transporté par camion : n’entre désormais dans son corps que ce qui est en accord avec sa philosophie.

Au fond, il y a les framboises. Vingt plants florissants dont la générosité la récompense des bons soins qu’elle leur dispense. Des fruits juteux, jamais traités, cueillis mûrs, dont l’excédent sera conservé sous forme de confiture. Alexia déguste une ou deux baies déjà parées de leur robe vermeille.

En arrachant une mauvaise herbe, elle emporte toute une motte de terre dont la racine camouflait un bout de plastique. Agacée par cette saleté, Alexia tire, creuse, finit par déterrer un sac entier. Son état indique qu’il est là depuis un certain temps. A l’intérieur, un livre manuscrit, ou plutôt un épais cahier, comme ces albums souvenirs où Alexia recueillait dans son enfance, les dessins des copines. La contrariété a cédé la place à la curiosité. Alexia ouvre, feuillette, croque une phrase ici ou là. La structure du texte, les dates en haut de chaque page trahissent clairement le journal intime. Quelqu’un a enfoui son jardin secret au fond du jardin.

L'auteure

En 2007, Sabine Dormond coécrit avec Hélène Küng, pasteure lausannoise, un premier recueil de contes intitulé 36 chan­delles. Depuis, elle a publié "Full sentimental" un recueil de nouvelles aux éditions Mon Village en août 2012. Suivront un roman et ce nouveau recueil de nouvelles toujours chez Mon Village.

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