Le Garçon-Léopard, Bastien Roubaty

Editions PFL 2022

Roman

Une rencontre inattendue ouvre une brèche dans la vie très organisée d’une famille traditionnelle dont les rêves sont assoupis.

Par l’intermédiaire d’un vieil ami, César Montgomery obtient un poste de comptable au cirque Van Ornum à condition d’accompagner la troupe le temps d’un été. Une occasion de se réaliser et d’offrir à ses enfants une expérience extraordinaire ! Cependant, Béatrice n’est pas prête à quitter son existence préfabriquée. César s’installe donc dans une roulotte avec son fils. Plus tard, Esmée, sa petite sœur, viendra les rejoindre.

Les aventures vécues par cette famille sont racontées par Bertil, un garçon d’une douzaine d’années. Dans le monde étrange, déroutant et fermé du cirque Van Ornum, chacun doit trouver sa place. À travers les yeux de Bertil, nous suivons l’évolution des situations et des personnages. Son père, comptable discret, s’affirme soudain, gagnant le respect de tous. Esmée, fillette mutique, s’épanouit dans le giron bienveillant de la femme à barbe. Bertil découvre brusquement une facette inconnue de la féminité sauvage avec Garance, la contorsionniste, qui le fascine et le terrorise.

Extrait page 73

Garance fit tout à coup une apparition presque surnaturelle, surgissant au milieu de la nuit ruisselante et collant son visage détrempé à la fenêtre. Elle me regarda droit dans les yeux et me fit un signe qui voulait dire « rejoins-moi ». J’avais tout sauf envie de quitter le cocon chaud et festif qui m’entourait pour retrouver ma pire ennemie sous la pluie, mais je n’osai l’ignorer. Elle était encore sans doute capable de me tuer. Anxieux, je dis à André et à mon père que j’allais me coucher. Aucun d’eux n’avait remarqué Garance, trop occupé à vider leurs verres. Ils me souhaitèrent une belle nuit.

– Allait-elle me noyer dans une flaque de boue ? Me faire disparaître dans la forêt toute proche ?

– Allez, ramène-toi. On ne va pas quand même rester là.

Je la suivis de l’autre côté de la dépouille ruisselante du chapiteau. Je grelottais. Elle m’emmena vers une minuscule roulotte, un peu à l’écart du camp. Elle me fit entrer. C’était chez elle.

Bertil comprend que, malgré l’éloignement et la dépression, sa mère les aime.

Extrait p. 50-51, la visite

Ma mère avait pleuré quand elle nous rejoignit. Elle déroula un tapis de douceur sur lequel nous nous assîmes tous les trois. Elle dit encore qu’elle nous aimait très fort et aussi qu’on était courageux, puis nous expliqua sa décision.

Elle n’avait plus l’air malade, mais elle n’était pourtant pas encore guérie. Il fallait qu’elle se repose beaucoup et qu’elle fasse des activités qui lui font du bien, avaient dit les médecins. Tante Castorine lui avait proposé de travailler avec elle. C’était l’occasion de faire quelque chose pour aller mieux, quelque chose qui lui plaisait vraiment. Elle resterait donc ici tout l’été. […] Elle penserait tout le temps à nous, elle nous rendrait visite, nous appellerait. Elle serait toujours notre maman. Nous serions toujours ses enfants, ses petits cœurs, ses lapins, ses canards, ses lionceaux.

Les adieux n’étaient que des à-bientôt, mais ils furent déchirants. Je fis bonne figure, mais il était difficile d’accepter que ma mère ne nous rejoindrait pas du tout dans la grande roulotte, jamais. Je quittais la villa violette avec des violons dans le ventre, ne sachant s’ils jouaient l’air de la compassion ou de la complainte de l’amertume.

Retour au campement où Pascaline, la nounou barbue de sa sœur lui enseigne l’art des costumes. En enfilant la chemise-léopard que celle-ci lui offre, il se sent différent. Sa compréhension du monde s’élargit en côtoyant les gens du cirque, dont André l’homme-force ; Karl, le fakir tatoué des pieds à la tête ; Zigomar, le magicien tordu et sans scrupules ; les jumelles Aloé et Annie au corps soudé dans une chair commune. Lors d’une promenade aux alentours du chapiteau, il tombe sur Ondine danseuse aérienne qui l’ensorcelle sans rien lui promettre.

À la fin de cette parenthèse extraordinaire, la famille Montgomery trouve un nouvel équilibre. César fait désormais partie du cirque, gérant les affaires depuis son bureau. Bertil renonce à des études qui ont perdu leur sens. Béatrice découvre sa vraie place dans une association de défense féminine.

La prose est souple, tantôt sentimentale, tantôt sans fard, mais toujours savoureuse. L’originalité des personnages, les situations dramatico-cocasses, sans rien de forcé avec, cependant, des pointes d’humour et de poésie, font de ce récit un vrai régal.

Recension Anne-Catherine Biner

Bastien Roubaty

Loading

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire