L’âme déracinée, Manuela Ackermann-Repond
L'âme déracinée
Manuela Ackermann-Repond, Editions Slatkine, Genève, 2019
Le jeune Angelo vit en Calabre, élevé dans l’amour de son Nonno et de sa Nonna. La fratrie compte cinq garçons et deux filles. Ses parents, ouvriers agricoles, travaillent dur pour entretenir leur famille. Malgré l’existence difficile de ces années d’avant-guerre, il est insouciant et heureux, jusqu’au jour où on l’arrache à sa petite sœur adorée, Maria. Commencent alors de douloureuses pérégrinations entre l’Europe et Hollywood. Angelo deviendra « Ange » puis « Angel ». Un seul homme, trois visages… trois âmes déchirées. En effet, Angelo déraciné dès l’enfance, tiraillé entre son besoin d’identité, sa culpabilité et l’attrait de la célébrité, ne cessera jamais de chercher un sens à sa vie. Où ce méli-mélo de sentiments l’amènera-t-il ? Parviendra-t-il à se libérer de ses démons ? Sera-t-il assez fort pour redevenir l’Angelo de son coin de Calabre ?
L’auteure, Manuela Ackermann-Repond, nous emmène dans une histoire où les émotions prennent très rapidement le dessus. Tout au long de sa vie, le héros est ballotté au gré des envies et des besoins de ses proches. C’est ainsi qu’il vivra au travers d’événements soit merveilleux, soit dramatiques, parfois même toxiques, mais le cœur toujours enfiévré. Oui, la joie, la passion, l’amour, mais aussi la tristesse, la souffrance, le désespoir, ne sont que quelques-uns des sentiments de ce roman.
C’est le héros qui parle à la première personne. Les personnages qui l’entourent tissent la trame du récit chacun à leur façon, entraînant le jeune homme dans un tourbillon d’émotions difficiles à gérer.
L’écriture, agréable à lire, exprime avec des mots touchants et brillamment, certains bouleversements de la vie. Le style fluide emporte le lecteur au plus profond des tourments humains.
Un roman à partager… Recension: Marylène Rittiner
Extrait pages 172-173
La vingtaine d’heures que dura le vol, escale à New York comprise, se passa à répéter mon vocabulaire puis à somnoler, bercé par le mouvement de l’appareil. J’échangeai sur mon précédent rôle et le fiasco du Stendhal avec Ernest, qui avait tenu à m’accompagner, je compris pourquoi plus tard. Il avait déjà négocié un précontrat en mon nom et se réjouissait que son dernier poulain, son pur-sang, comme il me surnommait affectueusement, se révélât au monde anglophone.
– Tu as exactement le style qui leur convient ! En plus, vu ta grande stature, tu pourras te fondre parmi eux… Tu verras, les Américains sont grands, amicaux et efficaces. Et les Américaines peu farouches et épatantes.
Il rit, me regarda d’un air entendu et avec un clin d’œil appuyé.
– Tu sais bien que mon cœur est toujours pris, répondis-je en haussant les épaules.
– Tu sais bien qu’elle est vraiment partie, soupira-t-il, l’air mécontent.
Cette conversation était revenue plusieurs fois ces derniers mois. Je conservais secrètement l’espoir de la retrouver, même si je me permettais de regarder – au minimum – d’autres femmes. J’avais intégré le fait que je n’étais qu’un client pour elle, un peu particulier certes, mais toujours un parmi tant d’autres au lieu d’un ami où mon fol espoir, un fiancé. Je n’en concevais pas moins toujours de forts sentiments pour elle, mon cœur avait ses raisons.
Je restai pensif, contemplant les moutons blancs sous les ailes du Boeing. Ernest continuait à me décrire les Californiens et les méthodes de travail en cours à Hollywood, mais, perdu dans mon monde intérieur, ses paroles m’effleurèrent sans me pénétrer. Je me demandais si je reverrais Myosotis un jour, si j’allais rencontrer des femmes aussi excitantes qu’elle en Amérique. Je ne me faisais aucun souci quant à ma faculté à m’adapter, ni à celle de pouvoir jouer la comédie, en réalité Angel Finley était plutôt détendu. Ange se sentait un peu tiraillé entre le regret de quitter les amis et la joie d’une expérience nouvelle tandis qu’Angelo ne ressentait que l’appréhension de l’inconnu.
L'auteure
Manuela Ackermann-Repond est née dans le canton de Fribourg, Son roman, "La capeline écarlate", Slatkine 2017 a été sélectionné pour le prix de la SPG.
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