La Suisse et le Vatican dans la tempête, Jean-Pierre Dorand

La Suisse et le Vatican dans la tempête. Relations politiques et financières 1920-1945, Bière, Cabédita, 2021, 174 p.

Ce livre, préfacé par l’ancien conseiller fédéral Joseph Deiss et écrit par un historien spécialiste de l’histoire fribourgeoise, traite essentiellement des liens entre le Vatican et la Suisse, deux États neutres pris dans les tourbillons de l’histoire. La première partie porte sur la relation étroite entre Fribourg, son Université et le Saint-Siège. L’Université devient un des centres de la pensée catholique en Europe et Fribourg un siège épiscopal en 1924. Un chapitre traite des finances du Vatican et du rôle actif qu’y ont joué des Fribourgeois dans les années 1930 pour assurer sa consolidation financière. A cette occasion, l’historien ne cache pas que sur beaucoup de sujets l’Église et l’État fasciste italien sont en accord (p.47). Pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville est un foyer d’espions et de résistants français avant de devenir le refuge de nombreux collaborateurs français, fascistes italiens et oustachis croates qui cherchent à se faire oublier.

Dans la deuxième partie du livre, l’auteur ouvre la perspective et traite d’un sujet particulièrement sensible : l’attitude du Vatican pendant le second conflit mondial et le rôle de Pie XII. L’auteur remet en question l’idée d’un « pape germanophile » et montre que le Saint-Siège a mené une activité diplomatique intense en vue de contrecarrer aussi bien la menace hitlérienne – en soutenant notamment les conspirateurs contre Hitler – que les visées expansionnistes des Soviétiques (p.68).

Pendant la guerre, le Vatican transfère une grande partie de ses fonds aux USA et en Suisse et l’historien souligne le rôle important joué par deux personnalités qui ont eu des relations privilégiées : le cardinal secrétaire d’État Luigi Maglione (1877-1944), « premier ministre » du Vatican, grand ami de la Suisse, et l’ambassadeur de Suisse à Rome, Paul Ruegger (1897-1988). La Suisse est le centre des opérations financières du Vatican en Europe ; elle reçoit de son côté l’appui politique du Saint-Siège qui lui fournit de précieux renseignements militaires sur la volonté des Allemands d’envahir la Suisse (p.100-115). On apprend ainsi que Mgr Maglione montre à Paul Ruegger un télégramme confidentiel communiquant des informations sur les projets d’agression contre la Suisse…

Le défi qu’a relevé Jean-Pierre Dorand était de taille, dans une période remplie d’incertitudes et de mystères où la diplomatie a laissé peu de sources écrites. Deux ouvrages passionnants qui s’appuient sur des archives nouvelles complèteront la lecture de cet ouvrage : celui de Philippe Sand  (La filière, Albin Michel, 2020) analyse en particulier l’implication de l’Église dans l’exfiltration de criminels de guerre vers l’Amérique du Sud et celui de Johan Ickx (Le Bureau. Les Juifs de Pie XII, Michel Lafon, 2020) réhabilite la figure de Pie XII en montrant l’usage d’une diplomatie « douce » pour faire face aux malheurs de l’Histoire.

Recension par Pierre-François Mettan

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