La Sorcière de Dentervals, Huber Giger

La Sorcière de Dentervals, Hubert Giger

Editions Plaisir de Lire, traduit par par Walter Rosselli, chroniqueur et traducteur indépendant, né en 1965 au Tessin et vivant actuellement en Suisse romande.

La sorcellerie, vraie ou fausse est un thème très à la mode qui retient régulièrement l'intérêt des médias et passionne un nombreux public. A travers cette histoire, inspirée de faits réels, Hubert Giger nous rappelle que, si cette fascination pour les sciences occultes ne date pas d'aujourd'hui, les sorcières d'antan (femmes reconnues en tant que telles) étaient pourchassées et bannies de la société, quand elles n'y perdaient pas la vie.

Extrait pages 351-352

Dans son désespoir, elle parvient à repousser si fort Bruno qu'il tombe à terre et lâche la corde. Il hurle et attrape la robe de la jeune femme. Le tissus se déchire et les jeunes hommes entrevoient un sein pendant un instant, ils sont perplexes. Les uns ne savent pas où regarder, les autres ricanent, peu assurés.

Anna profite de l'occasion pour se libérer de la corde et s'enfuir à toutes jambes par le pré et la pente qui descend. Elle a appris à courir avec les garçons de Dentervals. Autrefois, ils jouaient à s'attraper dans les ruelles. Ils descendaient à Prada secca et remontaient, tout en courant, pour voir qui était le plus rapide. Elle était souvent plus rapide que les garçons, et maintenant, Anna démontre qu'elle a entraîné ses jambes depuis toute petite. Avant que les jeunes hommes ne puissent réagir, elle est déjà bien au-dessous de Dentervals.

– Bande de retardés que vous êtes, qu'est-ce que vous faites là, attrapez-là illico ou pauvres de vous, hurle Teias de Castelberg, le capitaine de la société de jeunesse de Disentis.

Ils suivent la jeune femme comme une meute de petits chiens soumis. Anna court sans regarder derrière elle, sachant qu'elle court pour sa vie. Ces jeunes ont essayé de la mettre aux arrêts. Elle les entend encore ricaner et le mot "sorcière" résonne encore dans ses oreilles. Elle, une sorcière? C'est ce qu'on a dit à sa grand-mère. Elle sait ce que le tribunal de l'arrondissement a fait à sa grand-mère. Depuis ce jour-là, elle s'est cachée dans sa maison. Mais elle est toujours sortie, matin et soir, pour libérer les chèvres et les rentrer. Ces derniers urs, tante Urschla et ses cousines ont été chez elle. La tante a insisté pour qu'elle vienne vivre chez eux. Elle n'a pas voulu, elle ne s'est pas laissée convaincre. Si seulement elle l'avait fait!

Le coeur d'Anna bat la chamade. N'aurait-il pas été mieux de courir chez la voisine? Maintenant c'est trop tard pour y penser.

Elle perd ses chaussures mais elle continue à courir, plus vite encore. Au-dessus des pierres, à travers des fourrés et des aulnaies. Ces pieds nus sont écorchés, elle saigne à une jambe. Elle entend les jeunes hurler et faire un horrible vacarme, au loin. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Pourquoi ces jeunes veulent-ils lui faire du mal? Pourquoi veulent-ils l'emmener au tribunal? Qu'est-ce qu'elle aurait fait? Elle n'a pas commis de crime si atroce pour que cela la traîne devant les juges.

Ils lui ont dit "sorcière". Est-ce que cela signifie vraiment qu'elle est une sorcière? Une personne, où plutôt un monstre dont on veut se débarrasser?

L'auteur

Hubert Giger est né en 1958. Il a étudié l’histoire à l’Université de Zurich. Il a travaillé comme rédacteur pour la radio romanche et il vit dans le Medelsertal (Grisons). En 2011, il publie son premier roman La Stria de Dentervals, rapidement traduit en allemand sous le titre de Die Hexe von Dentervals.

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