La fin des Haricots, Cornélia de Preux
La fin des haricots (recueil de nouvelles)
Cornélia de Preux, Plaisirs de lire 2018
En voilà un titre accrocheur, pour peu que nous aimions les drôleries ou les petits drames de nos existences, mais pas que… Car dans ces mini nouvelles tirées du quotidien, il y a de tout : du salé, du sucré, du doux et de l’amer, du bon, du moins bon, du sympathique et du pathétique.
L’auteure, Cornélia de Preux, nous conte avec justesse des morceaux d’histoires humaines, comme autant de couleurs couchées sur le rouleau de nos vies. Des tons pastel aux tons vifs, elle passe par toutes les nuances, toutes les émotions, toutes les sensations. De quoi en avoir pour tous les goûts. Alors, mettons-nous à table !
Recension Marylène Rittiner
Noces de Cocagne (nouvelle) – Collection Hors-d'oeuvre
Pages 129-130
Il était une fois une citrouille et un haricot.
Elle était potelée de partout.
Il était fin et long.
Elle s’épanouissait jour après jour à deux pas de lui.
Il attendait que les rames prennent de l’altitude, pour pouvoir observer à loisir toutes les rondeurs de la belle.
C’était une terrienne. Elle s’entendait même avec les limaces. Ces dernières promenaient leur bave sur elle ? Ça la rendait plus rutilante. Des feuilles jetaient de l’ombre sur ses fesses ? Elle guettait leurs frôlements. Attendait leurs caresses. Et de pouffer avec ses voisines, les coloquintes.
Lui était d’une autre espèce. Son pardessus violacé ne témoignait-il-pas d’un pedigree rarissime dans un potager de banlieue ? Et que je te pousse si tu me voles ma part de soleil. Ouste, les cousins germains, dans le vide ! Ces bâtards, bâfraient toute la sève que lui destinait sa tutrice.
Qui aurait pensé qu’un pareil aristocrate s’entiche d’une dondon boueuse et couperosée ? « La loi des contraires qui s’attirent », avanceront les psychologues de salon. Qu’ils causent toujours, chiche qu’ils ne savent même pas distinguer un navet d’un chou-fleur.
Mais au diable les cancans ! Le fait est que, pour lui, elle était une reine. Grêle, canicule, gros pieds des jardiniers du dimanche, elle restait imperturbable. Alors que lui ne supportait rien, ou si peu. Les jours de bourrasque, il devenait vert de peur. Ne risquait-il pas d’être décapité ? Près d’elle, vautré dans un de ses innombrables plis, il serait en sécurité.
La plupart d’entre vous rêvent déjà d’un dénouement croustillant. Du genre : un jour, fou d’amour, il se jette en bas, droit sur la chair orange. Et elle d’éclater de rire en piquant un fard. Et d’en redemander, toute excitée.
Hélas ! ils ne se rencontrèrent jamais.
Quant à moi, naïve d’entre les naïves, j’y aurais bien cru. D’ailleurs, en leur souvenir, quand ce sera la saison, je me mettrai en quête d’une citrouille dodue et d’un haricot lilas. Et je les marierai… dans une ratatouille.
L'auteure
Cornélia de Preux est originaire du Valais et vit dans le canton de Vaud. Avant le recueil de nouvelles "La fin des haricots" (2018), elle a publié deux romans, "L'Aquarium" (2012) et "Le chant du biloba" (2016), aux Editions Plaisir de Lire..
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