Gérard Bauër, Carnets d’un voyageur traqué, Pierre-François Mettan

Gérard Bauër, Carnets d’un voyageur traqué (1942-1944), un volume, édition établie, présentée et annotée par Pierre-François Mettan, Genève, Georg Editeur, 2020, 411 pages, illustrations.

Gérard Bauër (1888-1967), homme de lettres et critique littéraire français, membre de l’Académie Goncourt, est aujourd’hui largement oublié. Par un petit miracle, ses « carnets » couvrant trois années de la Deuxième Guerre mondiale ont été conservés par son petit-neveu, puis retrouvés, édités et commentés par Pierre-François Mettan avec un soin et une érudition rares.

Hôte de Crans-sur-Sierre bien avant la guerre déjà, Gérard Bauër avait épousé Helena van der Zee, dont la famille possédait une maison sur le Haut-Plateau. Échappant de justesse aux occupants nazis parce que Juif, son appartement pillé, ses livres et ses archives dispersés, Gérard Bauër trouve refuge en Suisse. Il passe une grande partie de la guerre à Montana et à Crans (on ne disait pas encore Crans-Montana). Certes, la « prison » ou le « camp » qu’il mentionne n’ont aucun rapport avec ceux qu’il aurait pu connaître s’il était resté en France. Il n’en reste pas moins qu’il se sent reclus, « confiné », comme on dit aujourd’hui dans les circonstances créées par le Coronavirus.

En dépit de l’omniprésence de la tuberculose, on ne semble pas avoir craint la contagion. Les rencontres culturelles et mondaines sont fréquentes. Gérard Bauër multiplie les conférences et écrit régulièrement dans les principaux quotidiens suisses de langue française, le Journal de Genève, la Tribune de Genève, la Gazette de Lausanne. Ses notes quasi-quotidiennes illustrent la vie dans le cadre privilégié qu’offrent les deux stations, celle des malades, Montana, et celle des sportifs, Crans. Elles permettent de suivre pas à pas les périodes les plus sombres, celles des défaites des Alliés, puis le retournement de la situation et la progression de leurs armées jusqu’à la victoire finale. Elles donnent aussi une image vivante et animée des personnalités qu’il rencontre, journalistes, écrivains, musiciens, et sur ses lectures. Tout au long de ces années, Gérard Bauër est invité dans la plupart des villes de Suisse, pour y donner des conférences et des entretiens, notamment à la radio.

Ces carnets sont comme une bouteille sauvée des mers et retraçant l’atmosphère régnant dans la station valaisanne à un époque aujourd’hui lointaine, mais aussi très présente à cause de la « guerre », non pas la guerre mondiale de 1939 à 1945, mais celle que livrent la plupart des habitants du globe contre le nouveau virus.

Recension de Pierre Ducrey

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