Écrire pour se soigner, James W. Pennebaker, Joshua M. Smyth

La science et la pratique de l’écriture expressive, Genève

Éditions Markus Haller, 2021

Tout lecteur en a fait l’expérience : lire fait du bien et les rayons des libraires sont bien garnis de livres de bibliothérapie, comme celui de Régine Detambel, Les livres prennent soin de nous. Il est une autre addiction inoffensive et peu coûteuse : celle qui consiste à écrire et à exprimer sur le papier ses émotions. Le spécialiste de l’autobiographie, Philippe Lejeune, après avoir évoqué les pratiques anciennes du journal personnel dans « Cher cahier… » (1989) a récidivé dans « Cher écran… » (2000) en évoquant une pratique qui était déjà au début d’internet en pleine expansion: celle qui consiste à exprimer face à l’écran ses angoisses ou ses convictions. Aujourd’hui et ce n’est pas là l’un des moindres paradoxes : tout un chacun exhibe sa vie intime sur la toile, jusqu’à se libérer de pulsions nauséabondes et néfastes …

Le livre dont il est question ici ne participe pas de cette vague ni de la multiplication d’ouvrages bienveillants de développement personnel qui veulent contribuer à notre «mieux-être». Il est l’œuvre de professeurs d’université américains, un médecin et un psychologue, qui mettent en avant l’impact de l’écriture expressive sur le traitement des maladies. La démarche se veut scientifique, le propos est très clair et le livre s’adresse à un public de thérapeutes mais il peut aussi intéresser toute personne touchée de près ou de loin par l’écrit.

Les deux auteurs partent d’un phénomène connu : l’expression des émotions et leur verbalisation participent du rétablissement, voire de la guérison du patient. Le livre fait état d’études sérieuses sur l’impact de l’écriture expressive (il s’agit d’une écriture libératoire et libérée des contraintes de l’orthographe ou de la grammaire) sur des maladies chroniques – l’écriture régulière aurait même un impact sur le système immunitaire… L’écriture expressive semble également apporter des résultats probants dans le cas de chocs traumatiques ou dans celui de fortes dépressions. Le livre contient aussi des anecdotes liées à des expériences traumatiques comme le deuil et des propositions d’exercices pratiques d’écriture. L’idée de la mise en récit avec la volonté de développer dans une temporalité et de donner du sens à un vécu rappelle que l’homme a toujours eu besoin impératif de raconter et d’écouter des histoires.

On avouera que cet ouvrage, même si les auteurs répètent que l’écriture n’est pas une « panacée », qu’elle ne guérit pas d’un cancer ni ne remplace un traitement médical, ne manque pas d’enfoncer certaines portes ouvertes : comment douter que l’écriture n’aide pas à approcher de certains secrets enfouis, à clarifier ses idées, voire à faire cesser certaines pensées obsessionnelles ? De très grands écrivains mais aussi beaucoup d’anonymes ont échappé au cabinet des psychiatres grâce à la vertu réparatrice de l’écriture.

Recension  et bibliographie par Pierre-François Mettan

Bibliographie complémentaire

Régine Detambel, Les livres prennent soin de nous, Actes Sud, 2017
Philippe Lejeune, « Cher cahier… » : témoignages sur le journal personnel, Gallimard, 1990
Philippe Lejeune, « Cher écran… » : journal personnel, ordinateur, Internet, Seuil, 2000

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