AZAD, Mélanie Croubalian
Editions Slatkine, Genève 2023
Roman
Septembre 2015, à Alep, une énorme explosion détruit la maison de Nayef, jeune syrien de vingt ans, emportant avec elle les derniers membres de sa famille. Avant que tout ne s’effondre, il s’empare rapidement de son sac de survie préparé depuis longtemps par Aziza, sa grand-mère, et attrape son portable. La guerre qui déchire son pays le pousse aujourd’hui, sur les chemins de l’exil, aux côtés de ses amis Yusef et Jamal et de milliers d’autres migrants.
Les jours suivants, Nayef découvre dans son bagage quelques vêtements, un ou deux pots de confiture de fraises concoctés avec amour par Aziza, et un peu d’argent pour le voyage. Mais ce qui intrigue le jeune homme, c’est ce grand et trop long manteau en laine fine, et ce carnet manuscrit aux mystérieuses initiales AC. À qui appartenait ce large paletot ? Et ce journal, qui l’a écrit ? Que lui révélera-t-il ?
D’Alep à Calais, la route est longue, dangereuse et éprouvante, pour ces hommes, ces femmes et leurs enfants qui fuient, espérant trouver une terre d’accueil. Tous n’ont pas la même chance de survivre à ce périple. Qu’adviendra-t-il de Nayef et de ses compagnons ?
Avec son premier roman, Azad, Mélanie Croubalian emmène le lecteur dans l’aventure terrifiante et périlleuse de Nayef, héros courageux de cette histoire, qui choisit l’exil pour tenter de sauver sa vie. Malgré les menaces de chaque instant, sa détermination à rejoindre Calais-via-Londres ne le quitte à aucun moment. Tout au long de cette course en avant, il croise différents personnages qui, comme lui, sont ballotés d’un endroit à l’autre, au gré des circonstances le plus souvent dangereuses. Prendre la mer sur un rafiot incertain, attendre les mauvais passeurs, se cacher dans le noir d’une forêt, rejoindre un camp sinistre aux ombres inquiétantes, traverser des frontières hostiles, tant de risques dans cette échappée pour la vie, tant de motifs de découragement ! Alors le souvenir de ceux qu’il a aimés lui remonte au cœur, lui redonnant espoir et énergie, tout comme le témoignage de l’homme au carnet, tout au long de son périple.
Un style facile à lire malgré le thème bouleversant du déracinement et de l’exil. Par le choix des mots, l’autrice semble garder une distance par rapport à la gravité du sujet. – Recension Marylène Rittiner
Extrait page 107 – La scène se passe dans une forêt aux environs d'Izmir
[…]
– Calmez vos mioches, vous allez nous faire repérer !
Nayef s'approche, personne ne fait attention à personne, il se demande si lui aussi ressemble à un zombie qui aurait perdu sa maison. The Walking Dead, il frissonne en pensant au sens littéral du titre de cette série.
– nom de Dieu, Nous sommes vraiment des morts qui marchent, apma, fait que ce ne soit pas vrai !
Devant lui, une femme se retourne. Il a parlé à voix haute et ne s'en est même pas aperçu, point. Elle fronce les sourcils pour le réprimander, puis continue à faire la queue sous le fardeau de son enfant, presque aussi grand qu'elle, endormi sur son épaule. Il distingue le visage de gamin à la lueur de son téléphone. Il dort de ce sommeil propre aux enfants, innocents et paisibles, une trace de bave au creux des lèvres. Son visage est pâle, sa mine épouvantable, raconte son voyage, les bombes syriennes, la fuite avant les décombres et la peur le long du chemin. Un profond soupir soulève les épaules de la mère vêtue d'une veste d'homme en cuir. Elle voyage seule avec son enfant.
Dans cette clairière féerique de Turquie, sous un ciel presque noir, troué, d'étoiles, ils font la queue devant un homme, fuyard comme eux, qui cochera leur nom sur une liste. Ils respectent les règles, ne se bousculent pas et font le moins de bruit possible. À première vue, nul ne pourrait dire le bouillonnement intérieur, les souvenirs atroces, les doutes quant à l'avenir. Il voyage. Les étapes sont les mêmes que pour les vacanciers à l'aéroport, même files d'attente, même ennui lorsque les délais se prolongent, même enfant, à occuper tout au long du trajet, même bagage un peu trop lourd à transporter d'un endroit à l'autre point. Ils sont pourtant en état d'urgence.
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