Aymon de Savoie, un prince secret , Danielle Berrut

Aymon de Savoie, un prince secret

Danielle Berrut, Editions Pierre-Philippe 2016

Aymon de Savoie, jeune prince né autour de l’an 1199, aime Lison, la fille de sa nourrice, avec qui il a partagé ses premières années. Mais a-t-on déjà vu un prince épouser une roturière, si ce n’est dans les contes ? Très vite, les amoureux sont séparés et alors que Lison disparaît, Aymon tente l’impossible pour retrouver sa belle. Sa quête se poursuivra toute sa vie. La reverra-t-il ?

Le prince de cette histoire est quelque peu particulier. En effet, l’auteure, Danielle Berrut, nous présente un héros « malingre, trop secret…, qui préférait la compagnie des servantes à celle de ses frères et tremblait à la vue d’une épée. » (p.25) Tout le contraire des hommes de sa fratrie ! Simple, sensible, pacifique et compatissant. Est-ce pour cela qu’il est si attachant ?

Avec Aymon, nous souffrons tout au long du récit, et à chaque début de piste, espérons avec lui retrouver enfin Lison, son unique amour. C’est dire combien l’auteure a su cibler les mots pour décrire la douleur et la morosité du prince face à l’absence de sa bien-aimée.

Avec Aymon, nous voyageons dans le temps, nous plongeons dans un univers où se côtoient guerres intestines, attaques de bêtes sauvages, voyages périlleux, mariages arrangés, maladies méconnues, superstitions, emprise du clergé…autant d’événements qui nous entraînent dans un récit passionnant.

Tout cela dans une écriture agréable, facile à lire, avec des dialogues au langage soutenu et enchanteur, digne d’un roman de l’époque.

Mais ne vous leurrez pas, même si le héros de ce roman traverse certaines situations douloureuses, on y trouve de l’amour, de la tendresse, de la douceur et un dénouement des plus beaux, pour peu que l’on ne s’attende pas à une fin à l’américaine.

Recension: Marylène Rittiner

Extrait p. 28

Comme il progressait rapidement, Germont voulut l’initier [Aymon] au combat et un beau jour, il apporta une poupée de chiffon.
– Messire, voyez-vous cette créature perfide ? C’est l’ennemi héréditaire de votre Maison et il vient vous provoquer. Défendez l’honneur des vôtres et combattez-le !
– Maître Germont, que voulez-vous que je fasse de ce ballot de chiffon ?
– Saisissez l’épée que voici, précipitez-vous sur votre ennemi avant qu’il ne vous pourfende et transpercez-le !
– Messire, je ne vois pas qu’on m’ait attaqué. Pourquoi devrais-je combattre ?
– La première règle du combat, c’est la rapidité. Il ne faut pas renoncer à cet avantage, à aucun prix !
– Mais je ne peux frapper un inconnu sans connaître ses intentions…
– Votre cœur est trop tendre, Messire. La guerre n’est pas un jeu d’enfant et ne s’encombre pas de beaux sentiments.
– Messire, qui vous a dit que je voulais faire la guerre ?
– Mais ne voyez-vous pas que c’est le prix à payer pour assurer la durée d’une lignée ? Et mon devoir est de vous préparer à être un vaillant défenseur de votre Maison.
– Pardonnez-moi, Germont…

Alors l’apprenti page s’empara de l’épée que lui tendait Germont, observa la position du ballot de tissu et s’élança avec détermination. Au dernier moment, il faillit fléchir, mais que penserait de lui Germont ? Il ne pouvait le décevoir… Il enfonça donc la lame dans la poupée. Eventrée, elle se vida d’une nuée de brins de paille qui volèrent en l’air. Le jeune prince recula de surprise. Il ne reconnaissait plus la moindre forme dans le ramassis dispersé à ses pieds et il frissonna d’horreur à l’idée qu’il aurait pu infliger ce sort à un être vivant…
– Votre père sera satisfait quand je lui décrirai votre comportement. Vous ferez un bon chevalier.

Aymon s’étonnait toujours du zèle de ses aînés pour le métier des armes. Quand ils étaient réunis à quelque grande occasion, ils en profitaient pour se glorifier de leurs exploits et s’échauffer au récit d’une battue ou de la mise à mort du gibier. A ces propos, Aymon se rembrunissait. S’il avait eu le privilège d’observer une biche, il l’aurait contemplée en silence et se serait retiré sans la déranger. Mais les chasseurs ne l’entendaient assurément pas de cette oreille ! Certes, Aymon aimait ses frères, mais il se sentait tellement différent d’eux. Il ne s’ouvrait pas à eux, car il était bien persuadé qu’ils ne pourraient pas comprendre ce qu’il éprouvait. Ils l’auraient sans doute jugé indigne de sa naissance et c’était ce qui le tourmentait : Comment justifier son existence alors qu’il n’aimait rien tant que vivre en paix, rêver et être aux côtés de Lison ?

L'auteure

L'auteure est née en Valais. Après une licence en Lettres à l’Université de Fribourg, elle enseigne le français et l'allemand à l’Ecole de commerce de Monthey et passe un certificat « patrimoine et tourisme » à l’Université de Genève. Deux recueils de nouvelles ont été déjà publiées; Aymon de Savoie, un prince secret est son premier roman.

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