Aventuriers, dix portraits d’industriels suisses, Alex Capus
Cabédita 2021
Natifs de la Confédération ou issus de l’immigration : Italie (Julius Maggi), Allemagne (Heinrich Nestle), Angleterre (Charles Brown)… les pionniers de l’industrie suisse ont su percevoir ou anticiper les besoins de la société dans le contexte historique, social et économique de leur époque. Si le hasard a favorisé la découverte de certains procédés, exemple: la fabrication d’un chocolat fondant, savoureux et agréable à l’œil (Rudolf Lindt 1989), ces entrepreneurs ont su s’entourer de personnes compétentes (associés, épouses, anciens concurrents…), faire preuve de créativité et de pugnacité. Ils ont osé prendre des risques et sont sortis vainqueurs de périodes difficiles, voire de certaines traversées du désert.
Au service du progrès
Charles Brown et Walter Boveri (1884)
« Après cent ans d’industrialisation, le monde était toujours plongé dans l’obscurité. La lumière électrique n’existait qu’à proximité des centrales et la plupart des fabriques s’installaient sur la rive des cours d’eau, source d’énergie. » P. 84
Charles Brown, fils d’un Anglais émigré en Suisse obtint un diplôme de mécanicien au technicum de Winterthur et, deux ans plus tard reprit le poste son père, directeur du département d’électronique de la fabrique de machine Oerlikon récemment créée.
Le défi consistait à trouver une solution pour transporter du courant électrique sur une longue distance sans perdre en efficacité. L’ingénieur se chargea des calculs et confia la réalisation du projet à son assistant Walter Boveri, diplômé de l’école royale de mécanique de Nuremberg. L’expérience fut réussie grâce à l’utilisation du courant alternatif. Désormais les coins les plus reculés du pays pouvaient bénéficier des bienfaits de l’électricité.
Différents, mais complémentaires
« Charles Brown ne se souciait pas des perspectives économiques. Ce qui l’intéressait, c’était la beauté de la technique, l’élégance de l’appareillage, la logique de sa mécanique. Walter Boveri, son assistant, avait en revanche un caractère opposé au sien sur de nombreux points ; il avait surtout l’intuition commerciale qui manquait à son chef. Il entrevoyait que la demande mondiale en électricité allait augmenter à une vitesse vertigineuse et que le génie de Brown vaudrait beaucoup d’argent s’il était associé à son propre instinct économique.» p. 87 – Son rêve se réalisa le 20 décembre 1890.
Lutte contre la malnutrition des tout-petits
Henry et Clémentine Nestlé (1867)
« Plus les années passaient plus l’amour pour les enfants grandissaient chez Clémentine, l’épouse d’Henri Nestlé, alors qu’elle-même n’avait pas eu le bonheur d’enfanter. Pour lui apporter son soutien dans la lutte contre la mortalité infantile qui ne cessait d’augmenter, Henri inventa en 1867, à Vevey, La Farine lactée pour nourrissons et créa par la suite la plus grande industrie agroalimentaire du monde ». p. 55
Henri se maria à plus de 46 ans. Clémentine s’intéressait au sort des enfants. Ayant déjà lutté dans sa ville natale de Francfort aux côtés de son père médecin pour une meilleure santé des démunis, elle incita son époux à développer des produits alimentaires pour les nourrissons. Le problème de la haute mortalité infantile était connu mondialement (Munich 1870, 85% de tous les bébés morts au cours de leur première année étaient des enfants n’ayant pu bénéficier de l’allaitement maternel, idem à New-York dans un foyer pour enfants où seuls les enfants adoptés survécurent au-delà d’une année.) Des programmes d’alimentation avaient été développés, mais certains produits qu’il fallait ajouter pour créer une bouillie adaptée aux nourrissons étaient chers, peu disponibles et souvent infestés de bactéries.
En 1867, Henri Nestlé découvrit un procédé permettant de répondre aux exigences nutritionnelles des tout-petits. Cependant, la société de l’époque était réticente à l’idée d’acheter ce type de produit ; les ventes n’arrivaient pas à décoller, malgré le besoin. Un médecin en butte au problème du nourrissage d’un bébé que sa mère ne pouvait allaiter lui demanda d’essayer sa farine. Henry prit le risque ; le nourrisson prospéra rapidement et cette victoire fut sa meilleure publicité. Pendant sept ans Henry et Clémentine travaillèrent de concert pour développer leur fabrique. En 1865, ils vendirent leur commerce à un riche homme d’affaires de Vevey. «Dans le prix devait être inclus la marque avec le logo du nid d’oiseau et le nom d’Henry Nestlé qu’il avait coutume d’utiliser pour signer chaque boîte de farine lactée » p. 64
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