Le Miel de l’Ours, éditeur de poésies

Présentation

(extrait d'une interview pour le Journal Le Persil)

Poésie romande

"… Nous apprenons dans le désordre que Le Miel de l’Ours reçoit une vingtaine de manuscrits par année, qu’il en publie deux ou trois, que ses livres se vendent tous entre 15 et 20 francs pièce, et que, malgré une absence de vraie distribution («je ne mets pas assez d’énergie là-dedans»), certains tirages arrivent à épuisement.

Duret réaligne les crayons de couleur qu’il a posés à côté de sa tasse à café. Du thé refroidit entre quelques biscuits géométriques. «J’ai été assez flou dans votre questionnaire, parce c’est assez flou dans la réalité.» Le Miel de l’Ours n’a aucune raison sociale juridique. «C’est un nom, c’est tout.» Il ne fait pas partie non plus de la grande famille genevoise du Cercle de la Libraires et de l’Edition. Pour ce perfectionniste qui ne délègue quasiment rien de son travail, la solitude est une vertu. Duret se tourne vers une petite table de bois garnie de volumes similaires, en pose quelques-uns devant nous. Il y a du Voisard, du Chessex, du Sylvain Thévoz. Des sangliers dessinés, des recueils anthologiques. Et du Duret, bien sûr. Est-il conscient d’incarner à merveille ce léger «cloisonnement» de la poésie romande, dans le panorama actuel? Les éditeurs qui «font» de la poésie (Empreinte et Samizdat pour ne citer qu’eux) sont souvent des spécialistes, alors que les autres (on prend l’exemple de Zoé) éditent de tout, sauf de la poésie. Parvient-il à expliquer cette curieuse chasse gardée?

«…Je veux démocratiser le genre. En Suisse romande, ça grouille positivement. Il y a un réel intérêt.» N’est-ce pas tout de même un peu enclavant, ce «milieu dans le milieu» ? Il réfléchit quelques secondes: «C’est vrai qu’on s’entre-lit un peu, qu’on se publie les uns les autres… Mais la poésie, que voulez-vous, c’est la chose la plus intime qui soit.»

La fin de l'hibernation

«Lorsque j’ai fondé une première maison, il y a une vingtaine d’années, j’avais pour ambition de faire du commercial pour payer la poésie. Ça n’a pas marché. Je m’échinais pour rien. Avec le Miel de l’Ours, je redeviens puriste. Mes livres doivent se suffire à eux-mêmes, et je mets toute mon énergie dans une seule chose.» Duret, sur le papier déjà, nous avait semblé moins sectaire que d’autres «adeptes» de la poésie romande. Sa ligne actuelle le confirme, qui prône l’ouverture, l’expérimentation, le jeu, la performance. Le Miel de l’Ours trouve bel et bien son public. Cette évolution est visible dans le catalogue. Parrainé à ses débuts par un Maître renard des futaies romandes (Duret fait partie de ces lecteurs qui savent que la poésie de Chessex vaut mieux que ses romans), heureux de publier occasionnellement Alexandre Voisard, Georges Haldas, Vahé Godel ou Mousse Boulanger («les poètes cherchent à publier à tout prix, où que ce soit»), l’Ours change de plus en plus souvent son fusil d’épaule et se joue, depuis quelques années, des carcans et de la haute poésie. Les petits carnets n’ont certes pas changé de format, mais ils arborent à présent des couleurs plus acidulées.

Chapelle de Cery et Jim Morrison

Patrice Duret n’ira pas jusqu’à parler de «laboratoire», mais ses propres expérimentations d’écriture en duo (Courroies Arobase Frontières en 2009 avec Sylvain Thévoz), la rencontre entre un poète romand et un homologue grec (Rolf Doppenberg et Stratis Pascalis, en édition bilingue, 2012), les derniers recueils de Sylvain Thévoz ou celui d’Année Quinze parlent tous la langue du métissage. On s’éloigne à bon pas de Roud, Matthey et compagnie. D’ailleurs, le Miel de l’Ours ne renie pas le phénomène des lectures et autres performances «live». Ses livres vivent aussi à l’oral: «On a lu à Cery, dans la chapelle de l’hôpital psychiatrique, avec un musicien. On doit se permettre ce genre de choses, de temps en temps.» Duret embraie sans prévenir sur la musique, Jim Morrison, Janis Joplin, la poésie sonore… Et puis le voilà qui se lève et sort par la porte vitrée, revient avec une large écuelle de fer, qu’il remplit d’eau et replace sur la terrasse. Il reprend place, un peu embarrassé: «C’est pour le renard, vous comprenez». Certaines habitudes ont la peau dure.

Nom complet: Editions Le Miel de l’Ours.
Raison sociale: indépendante, pas de forme juridique.
Date de fondation: 2004.
Lieu: Genève.
Fondateur: Patrice Duret.
Collaborateurs actuels: une aide à temps partiel.
Diffusion: maison.

Impression: L’Atelier du Grand Tétras (France), Imprimerie Trajet (Suisse).
Parutions par année: 3-4.
Titres au catalogue: 44.
Tirage moyen: 200 exemplaires.
A-valoir et rétribution des auteurs: livres offerts.
Auteurs emblématiques: Jacques Chessex, Alexandre Voisard, Sylvain Thévoz, Année Quinze, Mousse Boulanger, Laurent Cennamo, Rolf Doppenberg…
Best-seller: Vire Large course court, Sylvain Thévoz, 2008.
Secteurs de publication littéraires: poésie.
Un «écrivain de rêve» à publier à titre posthume: Allen Ginsberg, Jacques Dupin.
Un «auteur de rêve» vivant: Christian Bobin, Olivier Cadiot.

Coordonnées

Site internet: www.mieldelours.ch
E-mail: patrice.duret[at]etat.ge.ch

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