Les Manquants, Priscille Hunziker

Éditions Ouverture 2024

Dans son livre de nouvelles, Priscille Hunziker nous invite à plonger au cœur de ses récits, pour découvrir les carences des uns et des autres, leur manque de sens, d’amour, de présence ou d’espoir.

Elle raconte les événements difficiles vécus par ses personnages, décrivant avec justesse leurs sentiments les plus profonds face à leurs douleurs : solitude, tristesse, désespoir, honte, rejet, dévalorisation, peur…

L’écriture, les mots, le style, tout est sobre, accrocheur et agréable à lire.

À travers ces portraits, peut-être pouvons-nous nous reconnaître dans nos vides ou nos tourments.
Car n’avons-nous pas tous été, à un moment de nos existences, au creux de la vague ? Cependant, il
suffit parfois d’une toute petite chose qui paraît sans importance, une photo, la douceur d’une voix,
un geste tendre, une oreille attentive…une poule ou un renard, pour que tout change et tout devienne possible.

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Titre de la nouvelle Les Corneilles

Contexte: Madame Vignolles séjourne dans un EMS depuis plusieurs années. Atteinte de la maladie d’Alzheimer, les mots lui échappent.

Extrait pages 27-28

– Puis-je m’asseoir à vos côtés, Madame Vignolles.
C’était la voix de la nouvelle (animatrice), accompagnée du mouvement d’air de ses cheveux parfumés. Et déjà elle s’intéressait aux mots noirs posés devant Madame Vignolles, les touchant et les déplaçant délicatement de ses doigts.

– Vous préférez les mots aux images ? Et si je vous aidais à les placer sur cette feuille blanche ?
Sur la page vierge, Madame Vignolles glissa pensivement un mot, puis un autre. Encouragée par la
nouvelle qui s’était mise à coller amicalement les mots avec elle, elle s’enhardit à déposer un texte
entier, puis les gros titres en lettres épaisses. A présent pleinement captivée par son ouvrage, elle
agençait méthodiquement les papiers sur la page, de manière aussi ordonnée que possible. Le grand drap blanc qui lui avait paru l’image même de la démence se couvrait de pensées, de réflexions et d’arguments. Ces phrases étaient certes empruntées à des locuteurs inconnus, mais elle pouvait arrêter leur vol, les capturer et enfin clouer le bec aux corneilles.

Elle racontait une histoire à son tour, ses vieilles mains remplaçant sa bouche stérile, les mots des
pensants se substituant aux siens, secs et inhabités.

La nouvelle chantonnait à mi-voix tout en ajustant les papiers découpés. Madame Vignolles ferma les yeux un instant, écoutant émue la mélodie.

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