Être de papier, Marie Beer
Éditions Encre Fraîche 2025
Aline est enseignante de littérature dans un collège. C’est une « mère affectueuse et attentionnée, une femme organisée et épanouie. » De sa prime jeunesse, il lui reste cependant un besoin irrépressible de fantaisie et de jeux qu’elle se plaît à partager avec ses enfants. Yann, son mari,
relativise ses extravagances et s’en amuse même, quelquefois.
Mais un matin, Aline est victime d’un accident qui va complètement bouleverser la routine de l’un et de l’autre. Du jour au lendemain, Yann se retrouve dans une situation totalement délirante. Il apprend que personne ne connaît sa femme dans l’établissement qui l’emploie. Pourquoi lui a-t-elle caché la vérité ? Où se rend-elle lorsqu’elle quitte la maison chaque jour pour son travail ? Qui est- elle vraiment ? De son côté, Aline déstabilisée par les questions de son mari, cherche une échappatoire. Parviendront-ils à se comprendre ou finiront-ils par se déchirer ?
Avec son nouveau roman, « Être de papier », Marie Beer nous entraîne dans la vie d’Aline, qui, pour échapper à une existence privée de rêves, s’invente sans cesse des histoires. Elle nous balade entre passé et présent, relatant les souvenirs d’enfance et d’adolescence de l’héroïne, les épisodes d’avant l’accident, avec Yann et la réalité actuelle de son couple et de son entourage. L’auteure nous plonge ainsi au cœur des dialogues mordants des protagonistes, chacun culpabilisant l’autre sur ses responsabilités ou manquements. Divers sentiments, déception, douleur, colère, doute, perte de confiance, solitude, peur, y sont exprimés avec habileté.
Au fil des pages, nous découvrons Aline, une femme à la fois fragile et forte, déboussolée, mais sincère, pétillante de joie ou triste de ne pas être comprise, un personnage ambivalent, mais des plus attachants. Elle nous emporte dans une histoire ancrée dans son imaginaire. Le style direct et sans fioriture du récit n’empêche en rien une belle écriture, des mots et des expressions qui en disent long, des phrases tout en poésie…et un dénouement insoupçonné !
Extrait page 132
– Moi, déclare Aline avec hardiesse, je ne subis rien. Moi, je peux m’évader en moi-même, courir dans les montagnes depuis ma chambre d’hôpital. Moi, j’invente le soleil quand il n’est pas là.
– Tu ne subis rien, rectifie Yann d’un ton morne. Tu n’affrontes rien. Tu ne crées rien ! Tu t’évades, c’est tout…
– Non. Je me sens libre…
Ne réalise-t-elle pas que sa liberté coûte autant aux autres ? s’insurge Yann.
– Libre de gaspiller tes journées à rêvasser… réplique-t-il. Tu passais ton temps dans les bistrots, ou quoi ?
– Sur les bancs publics. Dans les bistrots. Sur les terrasses. Et aussi parfois dans des forêts que tu ne connais pas. Je passais mon temps. Oui. Je le passais.
Il réfléchit. Il ne voit toujours pas pourquoi cette vie sociale devait lui être dissimulée.
– Et tu n’aurais pas pu aller marcher, aller lire et papoter avec ces gens, et me le dire ? J’aurais compris que tu ailles t’aérer.
Aline lève les yeux au ciel, excédée.
Recension Marylène Rittiner
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